ZiGGy
Skeleton In The Forum
Inscription: 15 Mar 2004 23:51 Messages: 5370 Localisation: Saint Ganton
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Et un putain d'anniversaire (j'ai oublié hier) à Iggy pour ses 60 ans ! Enfin l'âge de raison.
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La presse rock actuelle est divisée en deux grandes catégories. Dans l’une apparaît Iggy Pop, dans l’autre non. Depuis pas mal d’années maintenant, à l’occasion de nouveaux albums, de tournées, ou simplement pour remonter le niveau ambiant, Iggy traverse régulièrement nos lectures, et même les plus réfractaires à son art doivent bien reconnaître qu’avec son cocktail d’humour et de révolte, chacune de ses interviews vaut bien un an d’abonnement aux inrocks. Côté musique, par contre, les beaux jours semblent loin dernière nous. A la notable exception de l’impudique mais sobre Avenue B, rien de majeur n’était sorti sous le pseudonyme d’Iggy Pop depuis 1977. Et comme chacun sait, à la notable exception de quelques dizaines de compiles (souvent intéressantes, voir le catalogue de Bomp!), rien du tout n’était sorti sous le fier patronyme des Stooges depuis 1973. Trois chef d’œuvre en cinq ans pour les charlots de Detroit, trois autres grandes réussites en trente ans pour le charlot en chef, les mathématiques elles même encourageaient à la réformation des Stooges. Plaisir, gros sous et tournées étant à l’ordre du jour pour le groupe depuis sa renaissance sur les cendres du tragique Skull Ring en 2003, l’heure est maintenant au nouvel album. Les plus patients l’auront attendu 34 ans. Aujourd’hui ils crient au génie d’Iggy et à la renaissance du rock qui de toutes façons ne pouvait pas mourir avant son plus grand symbole… et blah blah blah comme le disait l’intéressé lui même. Une fois de plus en ce printemps 2007, les interviews d’Iggy sont mille fois plus intéressantes que tout ce qu’on écrit sur lui, moi compris.
Revenons en à l’enthousiasme débordant de mes petits camarades dont la sagesse populaire nous assure pourtant qu’ils sont injustement payés pour descendre des disques qu’ils n’écoutent pas. Première conclusion hâtive, j’en déduirait que la bizarrerie à la limite de l’anachronisme qu’est l’existence d’un nouvel album des Stooges a du échauffer bien des platines. Mon petit doigt me suggère même que tous les professionnels de la profession l’ont écouté en boucle. On en a trop parlé, on a trop fantasmé autour du mythe des Stooges, devenu l’égal de ceux de Frankenstein et Dracula dans la culture populaire, on a trop attendu pour que les choses se passent normalement. Autour d’un album comme celui-ci, tout est amplifié à l’excès, le bon comme le mauvais. Il semble que ce soit tout de même le bon qui l’ait emporté vu les critiques exagérément positives que l’on lit un peu partout, jusque dans ces journaux gratuits qui n’abordent pourtant que les sujets qui ont déjà été épuisés par les autres feuilles de choux. En réalité, je vous l’annonce, The Weirdness est ce qui se fait de plus proche de la boite de pandore en matière de rock aujourd’hui, mais symboles et fantasmes mis à part, ce disque ne va rien changer à nos vies.
Le simple fait d’écouter un tel album aujourd’hui, c’est le risque de casser le mythe. Si la somme critique et musicale bâtie sur les fondations que constitue l’œuvre première des Stooges venait à être remise en cause, c’est toute la battisse rock qui se casserait la gueule. Non, arrêtez de rêver, on sait que ça n’arrivera pas, je disais ça pour l’image ! Quoi qu’il en soit, il fut décidé qu’on ne verrai pas ça arriver, et le disque fut bon. Même s’ils ne se sentent plus pisser, on ne va pas reprocher aux critiques de passer complètement à côté de la plaque. The Weirdness est un putain de disque, concis comme il se doit, rapide comme on l’attendait, et habillé d’un jean pile poil deux tailles trop petit. Un disque à l’image d’Iggy Pop, et surtout son premier « all killer, no filler » depuis Raw Power. Pas rien, finalement, mais pas « tout » non plus. Le son, par exemple, ne fait pas honte à la réputation de Steve Albini, mais ne mérite pas tant d’éloge sonores. J’aimerai rappeler qu’un son ferme, sec, électrique, qui sonne « vrai », c’est le minimum syndical pour un disque de rock. A moins de voir se reproduire le ratage de Raw Power ou la prouesse de son remixage, arrêtons de parler de mixage à tout bout de champs, et contentons nous de savoir que l’enregistrement de The Weirdness fait honneur à son contenu, c’est le principal.
34 minutes pour 12 titres, soit une moyenne de 3:33 minutes par morceau, et les durées de 2:07 et 4:05 aux extrêmes. Quelques chiffres qui donnent la mesure. Autre détail, pas de ballades. Juste deux titres à part, tempos ralentis, mais pas Gimmer Danger ou Dirt. Dans le reste, aucun T.V. Eye, on est pas revenu à Fun House malgré le saxophone présent sur pas mal de titres. Résultat de l’équation, The Weirdness est un disque de rock impalpable, mais pas le retour au style précédent des Stooges. Reste du groupe une recherche sonore à partir d’un matériel minimal et une volonté de précision dans l’écriture qui le rendent unique. Mur de guitare et batterie pilon chez les deux stooges Asheton, et une basse à l’avenant par Mike Watt, riffs et rythmique s’entremêlent dans le magma sonore pour propulser la voix, Iggy Pop, qui chante faux. C’est parfois assez impressionnant, et l’impression et positive.
Tout ceci étant dit, le mérite principal que j’accorde à The Weirdness et son potentiel à échapper à toute critique constructive. Il y a tant à dire sur le buzz qui l’entoure, mais si peu sur le disque. Argument positif, me semble t il : oserez vous contrer l’argument qu’un disque de rock se suffit à lui même et qu’une fois écartées les critiques et craintes habituelles, il est le seul à pouvoir parler à chacun de ses auditeurs ? Si vous êtes de cet avis, vous êtes dans le bon état d’esprit pour vous confronter au nouvel album des Stooges. Vous tremblerez à l’écoute du pont de My Idea Of Fun, vous vibrerez probablement au rythme ralenti et légèrement free du morceau titre et de Passing Coulds. Je n’aurai pas la condescendance d’affirmer que ce disque n’a pas d’autre ambition que de nous faire tripper. Ce serait faux. Iggy est rester un éditorialiste de talent, épinglant les bobos (Greedy Aful People), les femmes interessées (She Took My Money), l’Eglise (End of Christianity), le tout soutenu par quelques billets d’intention (l’ouverture « I’m trolling » qui annonce la sauce) ou autres professions de foi (My Idea of Fun… « is killing everyone), le tout dans l’esprit rock inauguré par les Stooges à l’époque où leurs concerts étaient parmi les plus mal vus qui soient. Ils sont aujourd’hui rangé dans les actes, respectables dans une industrie capable de digérer les pires trublions, mais n’ont pas perdu leur mauvaise esprit, le fond de leur pensée.
The Weirdness s’adresse donc avant tout – hors fans des Stooges bien sûr – à ceux auxquels les simples mots « un disque de rock » évoquent un plaisir, lorsqu’ils ne sont pas accompagnés d’autres fioritures. Sans réécrire l’histoire, le trio de Detroit (rock city !) reste à notre époque l’un des groupes au son le plus reconnaissable. Dans la mesure où l’on précise que les chansons sont bonne, ce fait est un gage de qualité suffisant. C’est l’ABC du rock : un style, un son, des chansons. Tournez la page messieurs les rêveurs, Iggy ne sauvera pas le rock, on entendra pas de jeunes groupes crier au long de leurs albums combien ils doivent à The Weirdness comme ce fut le cas pour Fun House et Raw Power, mais l’album lui même est bon, ça suffira ! Envoyez chier l’histoire et les discussions de routine, écoutez la musique.
_________________ Je veux bien laisser Ziggy partir en envolées lyriques sur du black-métal norvégien en spandex léopard, mais Pet Sounds faut pas déconner.
En fait ton metal est à mon metal ce que mon café est à ton café.
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