“My leather is black and so are my eyes.”
« Après l’écoute de mon dernier album, je m’aperçois qu’il y a quelque chose qui cloche chez moi et sur l’album aussi. (…) J’ai l’habitude de dire que j’ai composé des chansons pour telle ou telle raison, mais autant dire aujourd’hui que je les ai composées parce que je suis malade. »
Alice Cooper, Hard Force, n°11 (oct.87).
1987. Après le succès (modéré) de Constrictor, Alice Cooper décide de remettre ça. L’objectif est d’aller dans la même direction, mais plus loin dans l’horreur et la provocation.
Beau Hill n’est plus de la fête, son travail ayant été jugé trop lisse, trop commercial. Michael Wagener (plus heavy dans l’âme) lui a été préféré. « (…) le son d’ensemble de RYF (…) est nettement meilleur que celui de Constrictor, où Michael Wagener avait dû remodeler le travail effectué par Beau Hill… »
Alice Cooper, Hard-Rock Magazine, nov.87.
Les compositions sont signées Alice Cooper&Kane Roberts (le guitariste bodybuildé de Constrictor), à l’exception de Gail (A.Cooper, K.Roberts, Kip Winger).
Roberts a aussi co-arrangé l’album avec Alice. Il « a eu plus d’espace pour s’exprimer sur sa guitare, je l’ai laissé délirer et le résultat est là ! » Id.
Cette fois, il s’agit d’un vrai groupe. Le batteur Kane Mary joue vraiment de son instrument. Il n’y a plus de programmes synthétiques comme sur Contrictor.
Freedom démarre les hostilités de façon vicieuse. Cette chanson est à l’image de la pochette, « in your face », teigneuse. Du heavy à la ricaine, direct et efficace. Le P.M.R.C. en prend plein la gueule ainsi que les prêcheurs en général. Ozzy aura une démarche similaire avec Miracle Man. Le refrain est percutant et entraînant. Freedom est un hymne irrésistible.
« We’re a make up metal generation
We’re not as stupid as you want to make us.”
Le désopilant Lock Me Up commence très fort avec le fameux passage:
« Alice Cooper
You have been accused of mass mental cruelty
How do you plead?
Guilty!”
Les choeurs de hooligans du refrain ne donnent pas dans la finesse. Lock Me Up est un autre hymne, à la gloire de l’individu et de la liberté, cette fois. Alice est très en verve et se montre particulièrement remonté contre tous les empêcheurs d’étriper en rond :
« I’m in for the kill
I’m back with a rage
I want them to write in the paper each night how I bloodied the stage.”
Give The Radio Back est aussi un bon titre dont le refrain se laisse fredonner. « Give the radio back to the maniacs.” Louable ambition. Ce qui est touchant, a posteriori (surtout quand on connaît la suite des événements), c’est que ce vieux routier d’Alice semblait sincèrement croire qu’il connaîtrait le succès commercial avec un tel album, heavy et agressif, dépourvu de toute power ballad. Il n’allait pas tarder à réaliser que le seul moyen d’être à nouveau diffusé en radio serait de se compromettre avec Desmond Child et de donner dans le hard pop formaté dépourvu de toute aspérité.
La première partie du disque s’achève sur deux autres compos agressives et venimeuses, Step On You et Not That Kind Of Love. Toutes deux sont efficaces et rentre-dedans, à défaut d’être extraordinaires.
« La face 2 est un véritable psychodrame heavy. » A.C., H.F. n°11.
Prince Of Darkness me rappelle le film du même nom réalisé par l’excellent John Carpenter où l’on voyait le Coop interpréter le rôle d’un clochard possédé et empaler un malheureux quidam au moyen d’un guidon de vélo. Culte !
Pour en revenir à la chanson, elle est bien dans l’esprit de la thématique du film : la venue du Prince des Ténèbres, sorte d’Anti-Dieu. N’en déplaise aux incultes qui croient qu’Alice est un suppôt de Satan, celui-ci n’a que très rarement abordé de tels sujets. Musicalement, c’est réussi et Cooper estime qu’il s’agit là des meilleures parties de guitare jamais enregistrées par Kane Roberts.
Le meilleur reste à venir. Ici débute le tour de force de l’album, qui devient quasiment conceptuel et nous décrit les frasques d’un tueur pervers et impitoyable.
L’efficace Time To Kill, avec son intro accrocheuse et son refrain imparable, est très réussi. Chop, Chop, Chop pourrait servir de bande-son à un remake gore de Jack l’Eventreur (ou de Maniac). Alice est y est simultanément le Creeper et le Ripper. C’est encore du heavy brutal totalement dépourvu de subtilité. S’agit-il vraiment du même artiste qui consacra la seconde moitié des seventies à l’enregistrement de gentilles ballades ?
Justement : « Il n’y a qu’une ballade mais elle est réellement démente. » H.F., n°11.
En effet, Gail est une abominable comptine glauque et malsaine. Ecoutez-la et vous connaîtrez l’atroce destinée de l’infortunée Gail !
Le poétique Roses On White Lace (and whiskey ?), dans l’esprit des brûlots de la première face, permet de finir méchamment.
Jamais un Alice Cooper n’avait été aussi brutal. Cependant, cette vigueur nouvelle, cet indéniable entrain et cette fraîcheur retrouvée n’allaient pas pour autant permettre à R.Y.F.A.Y. de franchement cartonner. Le succès fut à nouveau modeste.
Le come-back d’Alice était indéniablement réussi sur le plan scénique. En revanche, les albums étaient loin d’atteindre les sommets commerciaux des années 70.
Le Coop voulait repasser à la radio. Il était prêt à tout pour cela. De là la décision d’aller se faire vampiriser par Desmond« Only my account talkin’ »Child. Adieu Freedom et petite Gail. Bonjour Trash et billets verts.
