Après le Born Again de Black Sabbath, le 1er Bathory… Si certains préfèrent chroniquer des disques référentiels et célébrissimes, Feelgood préfère quant à lui donner dans le vilain petit canard, dans le controversé ( il est d’ailleurs spécialiste de la chose puisque, sur un autre site, il a méthodiquement rendu compte de la période dite «whisky » de son idole Alice Cooper). En même temps, il y a là une continuité artistique, on passe du chérubin cornu de Black Sabbath au bouc de Bathory. C’est ce qu’on appelle avoir de la suite dans les idées (noires)…
Cet album est initialement sorti en octobre 1984. A l’époque, j’ignorais totalement son existence (d’ailleurs, si l’un des membres du forum possédait la chronique initiale de ce disque, à supposer qu’il y en eut une, je suis preneur). Le summum de la violence était alors atteint par Motörhead, Venom et Metallica. Pas loin derrière, on trouvait Accept et Priest. Si j’avais trouvé ce disque chez mon disquaire, il est probable que je l’aurais acheté rien que pour la pochette…Mais tel ne fut pas le cas.
Je n’ai fait connaissance avec Bathory que quelques années plus tard. Fin 86, je me trouvais invité à une soirée- genre chez l’ami d’un ami- et la sono déversait TOUT ce que les années 80 ont produit de pire ( j’insiste là-dessus pour les jeunes gens qui regrettent de ne pas avoir connu le règne du Top 50 et la domination des J.Mas, Licence IV et autres Steph de Monac… Les années 80, c’était surtout ça !). Pour me remonter le moral, je m’envoyais force boissons revigorantes et je ne tardai pas à en « subir les conséquences », expression favorite du Ministre de l’Intérieur d’alors. C’est alors que mon regard croisa celui d’un autre joyeux invité, apparemment fort mal en point. Ses cheveux plus longs que la moyenne me persuadèrent que j’avais à faire à un spécimen de l’espèce hardo erectus, si répandue dans les années 80 ( avant la chute de la néfaste comète nommée Grunge par les spécialistes. Des mutations irréversibles frappèrent les rares survivants et altérèrent la qualité de l’espèce : cas bien connu du chauve à lunettes de soleil déjà répertorié sur ce forum). Nous ne tardâmes pas à entamer une conversation et, après nous être convaincus que nous appartenions bien à la même confrérie de réprouvés ( grâce à l’utilisation de certaines formules cabbalistiques connues des seuls initiés du type : « Accept Dio et Dio te le rendra »), nous décidâmes de nous réfugier dans sa caisse garée non loin de là.. Il tenait absolument à me faire écouter ses cassettes ; nous effectuâmes donc un repli stratégique vers des auspices plus favorables. Vu son état, il eut un peu de mal à retrouver son véhicule, une R5 pourrie, celle-ci étant garée à cent mètres de la maison… Enfin installés, il commença par le dernier Maiden (Somewhere In Time) : très bon mais connu. Il enchaîna ensuite avec du Accept (Balls To The Wall) : connu aussi. Il avait même Born Again ce qui me le rendit encore plus sympathique. Au bout de plusieurs tentatives infructueuses, il prit une profonde inspiration, fouilla dans la boîte à gants, sortit un certain nombre de cassettes et en introduisit une dans son lecteur en me demandant d’un ton sarcastique : « Et ça ? Tu connais ? »
Une musique sinistre se fit alors entendre…C’était un instrumental glaçant qui n’aurait pas déparé le Born Again de Black Sabbath, mais là, il était placé au début.
Cela contribua à me faire ressentir davantage le froid de cette nuit d’hiver. Lorsque Storm Of Damnation fut achevé, l’album démarra véritablement avec Hades.
Jamais je n’avais entendu un truc de ce genre. Les guitares semblaient avoir été enregistrées dans une crypte à l’atmosphère méphitique ou dans une chambre des tortures. Le son de batterie était atroce et la voix semblait celle d’un grand malade. Il ne s’agissait pas de chant à proprement dire : on était loin des vocalises de BRUCE ! Tout ces éléments contribuaient à produire une sorte de mur du son compact, un blizzard démoniaque qui emportait tout sur son passage. C’était indéniablement plus malsain que Venom et certainement pire dans le genre « outrage au bon goût ». Si j’avais été en état de qualifier cette musique, j’aurais utilisé des adjectifs tels que « bruyante », « satanique », « glaçante »… Mais les termes les plus appropriés étaient ceux relevant du champ lexical des ténèbres : sombre, obscure, noire. Ce disque aurait tout autant mérité de s’appeler « Black Metal » que celui de Venom.
A la première écoute, on avait certes un peu de mal à distinguer les morceaux (mais j’y arrivai plus tard). Cependant, certains riffs étaient indéniablement bons et
évidents. Les titres étaient totalement en adéquation avec ce chaos sonore, avec cette « antimusique » : Reaper, Necromancy, Sacrifice, War, Armageddon.
In Conspiracy With Satan ( qui deviendrait bien plus tard le titre d’un sympathique Tribute consacré au Bathory 1ère époque) avait tout de la profession de foi.
L’avant-dernier morceau me parut vraiment très bon, avec son intro lugubre de cloches et cet excellent riff de guitare, simple et basique, mais tellement évident.
Il s’agissait de Raise The Dead, le Satisfaction du groupe.
La cassette terminée, Didier ( c’était le prénom du gars) sortit de sa torpeur et arrêta son appareil : il craignait pour sa batterie. Il m’expliqua que Bathory était un groupe suédois qui avait déjà sorti 3 albums. Ce que je venais d’entendre m’amena à m’intéresser à ce combo (en fait, surtout l’œuvre d’un seul homme : Quorthon, âgé d’à peine 19 ans à l’époque du premier disque). Je suivis donc avec curiosité l’évolution de ce Suédois de l’Enfer, qui délaissa bien vite son black metal des débuts (ma période préférée du groupe, pourtant) pour créer ce que l’on a appelé le « viking metal ». Les années 90 furent plus erratiques, avec une phase gros thrash bourrin au milieu de la décennie et enfin le retour à l’esprit viking (Nordland I et II). Ce jusqu’à ce funeste jour de 2004. Quoi qu’il en soit, Quorthon demeurera une légende du metal underground. Hail The Hordes, comme dirait l’autre…
