
Manowar - Sign of the hammer
Heavy metal - USA - 1984
C'est quoi être "un hard rocker" en fait ? On peut raisonnablement se poser la question non ? En tout cas moi je le la pose. J'ai souvent parlé ici d'attitude, un mot ou une approche que certains renient, voire dénigrent : "
la musique est l'essentiel", "
c'est la musique qui compte, pas le folklore"… Ok les gars : mais alors si tout cela est l'essentiel, pourquoi faire le signe du diable en concert (le seul jour du trimestre où vous vous autorisez à porter votre t-shirt Freedom Call) ? Pourquoi ricaner sur Britney Spears et le rap tout en prêchant à longueur de posts l'ouverture d'esprit, la compréhension, le respect de l'artiste, etc.
Tout ça pour dire que je ne sais pas tout à fait ce que c'est que "être un hard rocker"… Je ne sais même pas si cette expression "être un hard rocker" a un quelconque sens… pourtant…
Pourtant quand j'écoute
Sign of the hammer, ou quelques disques de ce genre (
Metal heart,
Back in black…) et quand je sens que mes boyaux vont de là à là (cf. fig. 1) je me dis qu'il y a quelque chose, un sens, une explication, un lien logique à tout ça.
Manowar est peut être le groupe le plus clichesque du monde du metal (avec le Sab de la grande époque). Manowar est cuir, Manowar est sexe, Manowar est heroïc fantasy, Manowar est cheap, Manowar est bas du front… Mais Manowar est avant tout heavy. Manowar c'est du PUTAIN DE HEAVY METAL. Et c'est étrange mais quand ils disent vouloir être libres et jouer à 10 ("All men play on ten") et ne jamais baisser le son, je les crois. Et je me sens, le temps d'une chanson, prêt à combattre le monde ou à être un frère du metal. C'est con. C'est naïf. Mais c'est metal. Rock même. Car le rock, le hard rock et le heavy metal sont des concepts enfantins, adolescents, puérils de gens qui pensent être différents, qui pensent que le monde ne tourne pas rond, de gens qui sont "contre". Et cette simplification à outrance, cette "utopie stupide" (quelle utopie ne l'est pas après tout), cette vision du monde passée systématiquement par le prisme musical, me plait. Elle est quête d'absolu, recherche d'un plaisir pur, recherche d'une adolescence éternelle, d'une sorte de "Never neverland musical et métallique" pour Peter Pan à cheveux longs et bracelets à clous.
Manowar c'est tout ça. Ces mecs vivent ça et le font partager. Alors bien sûr, il y aura toujours des fans de "vraie musique" pour les mépriser, pour ricaner mais "leurs groupes" n'atteindront jamais l'intensité du gang, notamment avec ce
Sign of the hammer… Dernier album de la première période du groupe. Celle où seule la configuration de base, guitare / basse / batterie / chant est utilisée à plein régime, sans adjuvents, sans arrangements particuliers (à part trois misérables nappes de clavier ici ou là). Le son est fondamentalement rock : Marshall à fond, basse hachoir sursaturée, batterie lourde comme des parpaings, zéro overdub. Et c'est magnifique. Parce que cette bande de bas du front, ce quatuor d'américains crétins qui pensent avec leurs bites arrivent à produire une musique très simple, majestueuse, belle, magnifique. "Mountains" par exemple. Tout est là. Les Manowar jouent de leurs instruments comme un Frizon-Roche de son piolet, prenant prise dans le roc, et s'élevant à chaque mesure, un peu plus haut. Et l'Homme de Guerre d'avancer, pas à pas, avec la force brute et l'obstination de l'animal ("Animal"), parce qu'il a prêté serment ("The oath")… Un de ces serments d'enfants que rien ne peut briser.
On pourrait écrire des pages encore sur cet album parfait (bon ok, "Thunderpick", démonstration de basse de DeMaio est dispensable), sur ce "Guyana (Cult of the damned)" épique, où Adams joue de tous les registres possibles, voix soufflée cavalant vers les aigus hystériques qu'on lui connaît, sur "The oath" tout en colèriques et staccatos, etc.
D'autres albums de Manowar sont également excellents,
Kings of metal récemment chroniqué par exemple,
Louder than hell,
Hail to England (putain "Bridge of death"…),
Fighting the world (le mal aimé… j'aime tellement ce disque que je ne sais pas par quel bout le prendre pour le chroniquer et éventuellement vous le faire aimer ou du moins appréhender comme "je" l'entends) mais…
Sign of the hammer est à mon sens le sommet, le toit du monde, un concentré d'émotions, de colère, de plaisir, de joie, d'émerveillement, de fascination morbide… en somme de heavy metal. Et tant pis pour les autres.
PS : la seule vraie faute de goût est évidemment cette pochette hideuse dans tous les sens du terme...