
Joe Satriani - Surfing with the alien
Hard rock mélodique et varié - USA - 1987
Je crois que je faisais des maths la première fois que j'ai écouté cet album. Et ce mercredi après-midi là, face à mes équations je me suis décidé à mettre en fond la dernière cassette enregistrée par un pote : de la gratte instrumentale… ça devrait pas vraiment m'empêcher de bosser ahahaha… je n'ai jamais été très amateur de guitare instrumentale. Ce que je préfère dans la guitare, ce sont les riffs, les accords, le gros son. TAN TAN TIIIN (vous aviez reconnu "Smoke on the water"). Il y a évidemment des exceptions. L'une des rares s'appelle "Exploder". Un court instru de gratte par le samuraï du vibrato, Akira Takasaki, alias "Monsieur Loudness". Mais je vous ferai tout un pataquès sur
Disillusion un autre jour (y a aussi un truc de Wolf Hoffman sur le médiocre
Objection overruled).
Pour le reste on ne peut pas dire que les instrumentaux aient été ma tasse de thé, alors que l'époque s'y prêtait : pas mal de disques recelaient un moment où les groupes laissaient leur (con de) guitariste "onaniser" pendant deux minutes (comme si les mecs n'avaient déjà pas assez de place pour faire les zouaves pendant leurs solos !). On a même vu les plus anecdotiques guitaristes se lancer dans cet exercice périlleux : Carlos Cavazo par exemple. Ok. Personne ici ne se souvient de Carlos Cavazo. Et pour cause, il était le guitariste de Quiet Riot, un groupe de L.A. à la grande époque, qui a sorti UN disque génial (
Metal health) et pas grand-chose de terrible ensuite. Et bien ce bon Carlos, malgré son manque évident de compétence, de style et d'intérêt a fait un instrumental à la hauteur de sa médiocrité ("Battle axe"… rien que le titre…). Et tout le monde trouvait ça normal ! Comme si Mick Mars avait sorti un album solo… Hein ? Qui est Mick Mars ?!! Hmmm… j'ai encore du boulot moi…
Les 80ies étaient donc une période assez faste pour l'exercice instrumental sans pour autant déchaîner chez moi la moindre passion. Alors un album entier pensez ! (même le premier Malmsteen me cassait les cacahuètes sur la longueur).
J'ai arrêté de me pencher sur mes maths après le deuxième ou troisième titre de
Surfing with the alien. Impossible de continuer. Trop prenant. Trop accrocheur. Faut dire que Satch a fignolé cet album comme si sa gratte remplaçait le chant. Et c'est ce qui fait la force de ce disque, aussi technique et démonstratif soit-il, le guitariste garde toujours un œil sur l'horizon et un œil sur le cap : il sait où va son morceau et, même s'il emprunte quelques chemins de traverses, il revient rapidement au sujet. Pas le temps de s'ennuyer ou de lever les yeux au ciel, le sourire en coin genre "
je le savais bien".
Le pire c'est que, Satch chope l'auditeur malgré un paquet de défaut que l'on jugerait rédhibitoires chez d'autres. Le son par exemple. Puissant comme un autoradio, authentique comme un repas chez Flunch, tout cela pue le studio, le multi-effets en plastique et le micro-ordinateur (je n'ose pas dire… "compresseur" ou "boîte à rythmes"… aarrrggghhhh). Moi qui me moque des musiques d'ascenseur, voilà un bel exemple de production Otis réglée au quart de millimètre. Parce que chez monsieur Satch rien de dépasse. Tout est propre. Tout est chiadé. S'agirait pas de choquer madame ou de réveiller le gamin qui pionce. Monsieur Satriani est un artiste présentable (la preuve il écoute du jazz et de la bossa-nova).
Vous voulez un autre exemple ? Ecoutez donc le premier disque du gars,
Not of this earth. Conglomérat de gargouillis intestinaux, gratouillis FM en mode phrygo-myxomato-lydien, circonvolutions mineures en do# majeur autour du grand rien.
Et je ne vous parle pas des titres des morceaux : "Surfer avec un extra-terrestre", "Toujours avec moi, toujours avec toi", "Cercles", "Minuit"… ça part mal non ? On sent bien le type qui n'a vraiment rien à dire non ? Et bien c'est tout à fait ça. Joe Satriani n'a rien à dire, pas de convictions (même pas celle de "
niquer des meufs le vendredi soir" comme n'importe quel rocker de base), il n'a pas de discours, pas d'histoire, pas de colère… du coup il se tait. Et c'est là où il devient cohérent. Il n' a rien à DIRE, mais il a des choses à RACONTER, à JOUER avec sa guitare. Et là, il laisse tout le monde derrière. Parce que Satch sait émouvoir, sa musique éclate le cocon lisse et propret de cette production de supermarché (rayon Findus) pour donner l'essentiel, la mélodie. Même la ballade "Always with me, always with you" fonctionne, tout en nuance et subtilités de jeu et de toucher (je lui préfère "Crush of love" tout de même, mais c'est sur un autre disque…). Et il semble évident que sur
Surfing… Satch ne cherche à épater personne (il tentera de le faire davantage par la suite) et tout ou presque parait simple, évident, à la portée de tous (un peu comme quand Hubert Reeves vous explique l'apparition d'un trou noir il y 50 millions d'années dans une galaxie gazeuse et protoplasmique…enfin…heu… quand LUI le dit ça parait simple).
Comme on peut s'y attendre, le monsieur touche à tout au fil des dix titres : plans vaguement jazzy, pseudo boogie, etc. Mais tout cela est mixé, mouliné, synthétisé pour donner cet "alien trip" aux fragrances sucrées, avec un joli glaçage FM. Car évidemment Satch n'est pas un alien (le véritable Alien de l'époque est Steve Vai), mais plutôt un habile cuisinier new-age.
Surfing with the alien est le sommet de la carrière du bon GI Joe (Guitar Institute Joe ?) mais manque de bol, ce n'est que son deuxième disque. Et il ne parviendra jamais à illuminer à nouveau le monde de la guitare comme il l'a fait ici. Depuis plus aucun disque de gratte instrumentale ne m'a fait "relever la tête de mes maths", parce que tout le reste est bruit de fond ou "maths" justement.