PARTIE 2 : 1994 – 2001 : Décadence des agresseurs
A la base je comptais intituler ma deuxième partie « Circonvolutions » , j’avais dans l’intention d’emblée à introduire quelque excuse pour tant de nullité. mais je trouve ce titre finalement un brin intello et inadapté. Rien de tel, en effet, qu’un bon vieux jeu de mots pour décrire la période musicale de SLAYER synonyme de déception et de pleurs, de désillusion mais aussi d’espérance.
Car disons le tout de go : la période post DECADE OF AGRESSION est clairement décevante, frôlant parfois le nullissime : et c’est franchement dur pour moi de l’avouer (si vous voulez tout savoir : la touche Backspace me démange grandement). On peut analyser cette baisse de forme de la part de SLAYER comme un temps d’adaptation. En effet, face aux nouvelles hordes de groupes et de genres (sans rentrer dans les détails : l’émergence du Black / Death, le Néo, le prog…), SLAYER passe assez subitement du statut de groupe mythique, culte (c’est selon) à celui de groupe de THRASH un peu Old-School. Dans ces conditions, le groupe, abandonné de surcroît par une de ses icônes (DAVE « THUNDERKICK » LOMBARDO), n’a pas le panache ni le talent de maintenir son statut et d’innover intelligemment. SLAYER perd pied et tente de grimer tant bien que mal les nouveaux voisins en oubliant au passage une chose importante : l’âme du groupe.
La deuxième chose qui a enfoncé un peu plus le groupe provient de leur défaut majeur : la paresse. Les 4 (3 si on compte pas BOSTAPH) compères sont en effet de grosses feignasses et ne se pressent plus pour sortir régulièrement un opus. Tragique erreur : alors que le Metal est en plein mutation en ce début des années 90, les mecs de SLAYER se contentent de sortir un album tous les 3 ou 4 ans et ne maintiennent pas la pression exercée (date de sortie des skeuds : 1983 / 1985 / 1986 / 1988 / 1990, ça restait quand même exemplaire merde) pour rester les acteurs incontournables du genre.
Mais stoppons les analyses de bas étages et attaquons la suite de la discographie du groupe.
DIVINE INTERVENTION – 1994.
Je voue une haine sourde et historique à cet album mais je vais tenter de rester objectif. Certains trouvent que DIVINE a un arrière goût de REIGN avec les acquis de SEASONS, d’autres voient dans cet album une évolution musicale du groupe et la présence d’éléments progressifs… Je crois que la vérité se situe un peu entre les deux mais à un détail près : SLAYER n’a plus le « feu ». Si les précédents albums me donnaient des envies incontrôlables de secouer sauvagement la tète (et d’hurler les yeux révulsés « Waaaaaaaaaar Ennnnnnnnnnsemble » et autres « Reeeeeeeeeeiiiiiiiiiiiigggggggggnnnnnnnnn in Blooooooddd » et ce même dans le métro ) : il n’en va pas de même avec ce DIVINE.
Alors oui, SLAYER fait toujours du THRASH, c’est pas le problème. Mais il n’a tout simplement pas la tenue des précédents opus. Beaucoup de morceaux sonnent creux, ou pire manquent d’inspiration, citons par exemples les regrettables « Serenity in Murder » et « Circle of Beliefs ». La mayonnaise ne prend pas. L’album a le cul entre deux chaises : il se veut innovant d’un coté (recherche d’atmosphères, structure des morceaux plus complexe et son différent), mais d’un autre coté on sent que la machine SLAYER est bridée : moins d’intensité, moins de conviction, moins d’inspiration … moins de tout. Et ce sont ces moins qui font SLAYER.
Alors bon je n’aime pas cet album, il n’en demeure pas moins que certains morceaux sont assez réussis. Je vais ratisser large et dire que « Killing Fields » (avec sa montée en puissance), « Dittohead » (pour son coté un peu punk), « Divine Intervention » (avec sa structure intéressante) et « 213 » (pour l’ambiance) sont de bons morceaux. Mais rendons nous à l’évidence, si l’album reprend principalement la thématique des tueurs en série et que Kerry arbore depuis un look de tueur de maman, SLAYER ne fait plus aussi peur et ne blaste plus tout sur son passage.
Une chose saute dès lors aux yeux : le départ de LOMBARDO a fait du mal au groupe. La quatuor magique disloqué, il a été difficile pour SLAYER de faire face à cette absence de taille. Si Paul BOSTAPH, son remplaçant, est impeccable – bien technique et puissant (c’est d’ailleurs lui qui ouvre l’album : clin d’œil ?) – il n’a pas le souffle épique ni l’inspiration suffisante pour égaler THUNDERKICK à ce niveau là. Ce dernier, parti fonder GRIP INC (le traitre !), va exposer son talent sous de nouveaux cieux et vient du coup d’assombrir ceux de son ancien groupe. La descente aux enfers est amorcée.
UNDISPUTED ATTITUDE – 1996
Le revival PUNK bat son plein et des groupes comme OFFSPRING sont en train de cartonner. SLAYER, au lieu de s’atteler avec passion sur un nouveau album bien saignant, tient absolument à nous prouver qu’ils sont aussi des enfants ou des héritiers du PUNK (c’est selon). Opportunisme ou véritable plaidoyer ?
Premier constat : le son est très cru limite crade. Au vue des précédentes productions, on ne peut que penser que ce mixage est volontaire - en hommage peut être au son brouillon des groupes de Punk garage. Les titres s’enchaînent à la vitesse de l’éclair (14 titres en moins de 40 minutes) presque sans temps mort, ARRAYA s’époumone et donne un autre aperçu des qualités de son chant hurlé, les riffs rudimentaires ne font pas de détails : bref ça défouraille sévère à tel point qu’on se demande s’il serait humainement possible d’enchaîner ces 14 « bombes » à la suite et en live. De ce coté là, le fan n’est pas déçu.
Maintenant qu’est ce que cet « album » vient faire dans la discographie de SLAYER ? On se le demande. Le groupe en mal d’inspiration et de repères essaie t’il de gagner du temps avant de sortir un vrai album ? Il y a sûrement de cela (et aussi de la volonté de surfer sur le succès de groupes Néo-PUNK). SLAYER perd donc à mon sens un peu plus de crédibilité. L’heure est grave et les ricains enfoncent eux mêmes le groupe un peu plus bas.
Sauvons de ce charnier quelques titres plaisants : « Can’t Stand you », « Guilty of Being White », « I hate you », « Richard Hung » et une petite merveille perdue dans cet océan de gâchis et de dispensables : « Gemini ». UNDISPUTED est une bonne blague et laisse un gout amer dans la bouche : sortir un tel album deux après un DIVINE décevant relève d’un manque total d’inspiration et de responsabilité.
A noter que cette compile de reprises PUNK sera accompagnée en édition limitée d’un mini live « LIVE INTRUSION » qui contient trois titres « WITCHING HOURS » de VENOM avec la participation de Robb FLYNN (MACHINE HEAD) et deux bons morceaux de DIVINE en live : DITTOHEAD et DIVINE justement. Cette initiative relève (un peu) le niveau de ce UNDISPUTED mais de là à justifier un tel achat, il y a un fossé que seul fan peut franchir…
DIABOLICUS IN MUSICA – 1998
La moitié des fans de SLAYER étaient en flippe en insérant ce nouvel album de SLAYER dans leur lecteur :
« Bon, ce coup si c’est le retour des Kings of THRASH ! »
« Pitié les mecs me décevez pas ! »
« J’espère qu’ils se sont ressaisi car depuis SEASONS … »
« Se sont ils sortis un doigt du cul ? »
Etc etc…
Autant de réflexions qui ont dû flotter dans l’air en 1998 à la sortie de ce DIABOLICUS IN MUSICA.
Je rompt le suspens : cet album est une merde. Une sombre merde même. Le pire effort de SLAYER. J’en ai les boules de l’écrire (c’est une bonne thérapie cette discographie de SLAYER !). Je me rappelle d’un mec de mon boulot qui avait dit pour me consoler : « Tu sais, Canard, un mauvais album de SLAYER, c’est quand même un bon album de THRASH ». Même pas, c’est dire le niveau.
J’en entends qui hurlent encore à la mort rien qu’à la vision de cette pochette (minable au passage), symbole d’affliction, de désillusion et de décadence d’un groupe autrefois mythique. Je n’ai pas la force de démonter cet album : plat, insipide, accrocheur comme les séances de l’Assemblée Nationale, et d’un manque total d’inspiration tellement flagrant que …. Ahhhh (cri poignant)
Pflousht ! (un corps s’écrasant)
(Canard s’est défenestré)
Alors bon je vais me calmer. Je vais essayer de tirer quelques points positifs de ce DIABOLICUS IN MUSICA :
- ARRAYA a essayé de moduler son timbre, son chant est plus sombre, plus lourd.
- Paul BOSTAPH est une bonne recrue. C’est assurément l’homme en forme du moment : il impose son rythme puissant à SLAYER
- BITTER PEACE / WICKED / PERVERSION OF PAIN / SCRUM et je suis d’une tolérance infinie.
- SLAYER peut pas faire pire.
A oublier donc.
GOS HATES US ALL – 2001.
Cet opus de SLAYER est une gifle. Attention, c’est pas une grosse baffe qui fait mal avec plein de génie dedans, non c’est une réaction. La réaction des Kings of THRASH. Et on attendait pas moins ça d’eux. Si on fait le bilan des dix dernières années, SLAYER a été successivement moyen, décevant, inutile, chiant, voire insipide... Autant d’adjectifs qui ne sied guère à ce combo dévastateur. GHUA sonne donc le retour « colérique » - ai je envie de dire - des guerriers californiens, et ce retour a les qualités pour nous réconcilier avec SLAYER. Ce qui n’était pas une mince à faire.
Avec cet album, SLAYER a digéré ses erreurs. Ce n’est donc pas un retour en arrière. Le nouveau SLAYER est différent, il sonne un brin néo. Qui l’eut cru ? Certains se plaisent à dire que la tornade SLIPKNOT est passée par là. Je dirais plutôt que c’est l’ouragan FEAR FACTORY mais bon on va pas chipoter. Il en ressort des sonorités nouvelles, j’en veux pour preuve cette étonnante introduction « DARKNESS OF CHRIST » qui a le mérite de revendiquer un petit coté INDUS tout en tapant du poing sur la table. Ce liminaire violent suivi de l’extraordinaire DISCIPLE, empli de rage et de haine, laissant le puissant phrasé d’ ARRAYA prendre une vitesse ahurissante, sonne d’emblée le retour à quelque chose. Je dis bien quelque chose. Car c’est un nouveau SLAYER qui vient s’imposer avec GHUA, et pas celui qu’on attendait : et c’est ce coté « surprenant » qui fait aussi le charme de cet album.
On retrouve au fur et à mesure la patte SLAYER (ca faisait longtemps !) à travers une haine sans nom (EXILE, NEW FAITH…), une intensité parfaitement mise en valeur à travers ses riffs sauvages, un rythme soutenu très « speed » avec le jeu brillant de BOSTAPH qui assène cet album de son jeu technique et puissant. A cela vient s’ajouter : un son très clair « hypra puissant », une production moderne, l’utilisation des fameux murs de gratte pour seconder le rythme de la batterie, et un petit arrière goût non déplaisant INDUS, voire NEO.
Certains titres vont dès lors ressortir plus ou moins aisément de l’ensemble. Il serait injuste de ne pas citer l’énorme « Here comes the pain » (morceau qui m’a réconcilié à jamais avec le groupe) : intense, accrocheur, et diablement efficace. Citons aussi la superbe « Bloodline » avec son riff bien sombre et mémorisable dès les premières écoutes, qui se conclut avec un déchaînement surprenant d’ARRAYA. Du grand SLAYER ! (Je peux vous dire que ça fait du bien d’écrire ça) Soulignons aussi les très similaires « THRESHOLD », « WARZONE », « PAYBACK » et « CAST DOWN » : courtes, brutales, directes, accrocheuses… en un mot efficaces et qui résument assez bien l’aboutissement de SLAYER à faire évoluer leur THRASH old School vers un THRASH plus moderne.
Il a fallu deux / trois albums à SLAYER et près de 10 ans pour arriver à faire sonner leur THRASH différemment. « Tout ça pour ça ? » diront les plus négatifs. A ceux là je réponds : « Oui, et c’est déjà pas mal ». SLAYER est de retour et laisse entrevoir une fin heureuse à des années de errements. Un petit rayon de soleil – répondant au nom de GHUA - vient de percer la masse de nuages gris. Perso je sors mes lunettes de soleil et la crème solaire, si SLAYER est de retour, ça va chauffer !
Morceau culte : Here comes the pain
Morceaux favoris du Canard : EXILE, HERE COMES THE PAIN, DISCIPLE, THRESHOLD, NEW FAITH.
Morceaux à revoir / bof bof : DEVIANCE / SEVEN FACES.
WAR AT THE WARFIELD (DVD) – 2003
Offert par Rayon Gamma, je ne pourrais en dire du mal

. De toute façon, en toute objectivité, ce live est une tuerie. SLAYER reprend tous ses succès à travers un concert « chaud bouillant » avec un Paul BOSTAPH et un Tom ARRAYA au mieux de leurs formes.
Intense, brutal, direct, sans fioritures ni déchets (belle set list au passage). Il s’agit d’un bien bel ambassadeur du groupe qui démontre que l’efficacité slayerienne n’est pas à remettre en question.
Le documentaire avec les fans qui témoignent est à pleurer de rire ou de tristesse, c’est selon. Un ramassis de déséquilibrés qui pourraient servir de vivier aux Médias pour argumenter sur les méfaits du Metal.
Morceau choisi
(une grosse américaine perturbée – mi punk / mi gothique)
« Oui je pense que dans certaines conditions je serais capable de tuer pour SLAYER ».
Perso ça me fait marrer plus qu’autre chose. Mais bon je peux comprendre que ça puisse choquer certains.
En résumé, un bon (très bon) DVD qui vaut le coup à condition d'aimer un minimum le groupe.