Une chronique polémique de St Anger, pédante, prétentieuse, enfin tout ce qu'on veut. Elle a été refusé sur HardRock80, elle me fait bien marrer (ça parle très peu de l'album

).
L’année 2003 apparaît aujourd’hui comme un relatif bon cru pour le metal. C’est cette année là en effet qu’on a pu voir ressurgir de quasi nulle part parfois des groupes ou des artistes qui avaient plongé dans la plus abyssale médiocrité pour remonter en première division et recouvrer un peu de leur dignité, de leur niveau de respectabilité d’antan.
On a reconnu là un subtil portrait de Scorpions. L’année aussi où les vétérans de la cause heavy du premier tiers des années 70 sortirent à peu près de façon parallèle des albums plus qu’honnêtes et effectuèrent des tournées plus que satisfaisantes : cas de Deep Purple, cas de Lynyrd Skynyrd. Mais au-delà de ces sympathiques quinqua voire sexagénaires on trouve sur notre chemin de l’année 2003 deux albums qui ont provoqué maints débats et moult agitation au moment de leur sortie, et depuis leur sortie, ces albums sont le Dance of Death de Iron Maiden et le St. Anger de Metallica et ce chemin n’est pas un chemin de croix.
Si la Vierge de Fer explore dans Dance of Death une veine caricaturale faite de titres et de riffs usés jusqu’à la corde avec des gimmicks vieux comme le rock et une chanson particulièrement agaçante parlant d’une guerre qu’il ne faut pas faire (suivez mon regard) et disant que tout compte fait il valait mieux rester chez soi, dans son cottage anglais parce qu’il y fait bon vivre, les anciens Four Horsemen semblent fermement décidés avec St. Anger à enfoncer le clou déjà douloureux de Load, de Reload, de l’album de reprises, de l’album symphonique et du lamentable I disappear en livrant leur album le plus accompli dans la voie de la médiocrité et du nihilisme improductif..
Pour vous faire une idée ou pour vous conforter dans celle que vous avez déjà, il suffit d’imaginer un pot-pourri de toutes les phases plus ou moins psychologisantes de Metallica, de tous les thèmes pseudo émotionnels (cf. le clip de Enter Sandman) déjà abordés sur tous les albums du groupe entre 83 et 91 : tous ces morceaux répondant à des clichés à mourir de rire sur l’armée, les sociétés occidentales, la démocratie, les manipulations mentales et la claustrophobie.
Faites en un condensé et portez tous les aspects de Metallica qui en font un groupe antipathique, à savoir son coté sentencieux (Hero of the Day) et foncièrement démagogique (One), jusqu’à un point paroxystique inimaginable avant et vous obtenez St. Anger, An I de l’avènement d’une nouvelle ère de sous-nanars.
Metallica enfonce des portes ouvertes et c’est gros comme mon poing quand ils le font, il faut dire que le quartette metal en est réduit à chasser sur les terres des exécrés et ignominieux pour le bon goût, pour la bienséance, pour la musique, pour l’histoire du hard rock que sont les Korn, les Slipknot et autres System of a Down. J’imagine que leur joyeuse compagnie ou leurs fréquentations "lumineuses" ont entendu les premières maquettes de ce qu'aurait PU devenir St. Anger et leur ont dit, d’un air définitif : « Tu n’as pas compris coco, l’heure est à l’émotion à l’état pur, aux écorchés vifs, aux anormaux de tout poil, à l’absence de solos, à la double grosse-caisse, aux loops, aux samples, aux interludes raps, aux coiffures-tonsures démentielles, pourquoi pas au maquillage et à la pédérastie ??? Surtout n’oubliez jamais de dire que votre enfance a été malheureuse et que vos parents avaient refusé, à l’époque, de vous laisser faire de la musique. »
Force est de constater que dans les années 2000 la musique sera entrée dans son dernier stade, le rock est mort, je répète, le rock est mort. Son cadavre est en état de putrescence si avancé qu’on ne peut plus le sauver et, d’ailleurs, s’il est mort, c’est en grande partie par la faute de Metallica et de son Black Album sorti treize ans auparavant. En effet, que dire de St. Anger sinon qu’il constitue une tentative de reproduire, dans ses meilleurs moments, les hits qui en leur temps avaient porté le Black Album jusqu’aux cimes des classements ? Le titre d’appel, Frantic, peut même faire illusion. A condition, bien sûr, de ne pas l’écouter plus d’une fois ou deux, au risque de changer d'avis.
Il est en tout cas indéniable que Metallica, en compagnie d’autres groupes du début des années 90, comme Judas Priest, Pantera ou Slayer, est coupable d’avoir tué le rock en sortant ce qui constitue l’album ultime du genre, l’étalon or de la musique, le plus grand monument de production et de mixage qui ait jamais vu le jour. Quatre ans se sont écoulés entre la sortie de ce bijou et le début de l’enregistrement du Metallica new look avec les cheveux courts et les barbiches étudiées, quatre ans passés à défendre leurs premières productions, à affermir leur son et à peaufiner leur style jusqu’à peu à peu devenir un groupe enfin unique. Et pour quel résultat !
Des deux le premier, Load, est peut-être le moins indéfendable avec ses titres mid-tempo et ses riffs qui essayent de puiser dans le meilleur de la tradition rock américaine. Se situant cent coudées au-dessous du gros hard qui tache à la Grand Funk ou à la Bloodrock qui était leur cheminement naturel, ce vers quoi ils tendaient spontanément, St. Anger est donc inférieur à la médiocrité elle-même.
En tout cas ceux qui avaient daubé l’évolution de plus en plus variétés et "mélodique" de Scorpions par exemple se trouvent bien ridicules aujourd’hui à l’écoute de cette pitoyable pièce de collection dans le genre nul et non avenue que constitue St. Anger et son néant.
Passe encore que cet album ait pu être encensé par les illettrés de Rock & Folk et de la presse musicale non spécialisée, mais que la presse hard et des magazines sérieux comme Crossroads se soient aussi vautrés comme des débutants laisse songeur l’auditeur que je suis. On ne peut d’ailleurs au passage s’empêcher de penser à un autre album d’un autre groupe très marqué années 80, Beyond Good and Evil de the Cult, qui avait été lui aussi accueilli par une critique dithyrambique sacrifiant tout sens critique pour les beaux yeux de Ian Astbury. On entendit les mêmes propos lénifiants, on eût droit à la même démagogie anti-critique pour St. Anger.
L’un des arguments en forme de massue que nous ont assenés les graphomanes anti-mélomanes de la presse institutionnelle est que, pour la première fois (attrait de la nouveauté puéril), James Hetfield crie. Il crie !!! Vous rendez-vous compte de ce que cela veut dire ? Il ne l’avait jamais fait avant et il innove en le faisant maintenant, pour nous. Le moins que l’on puisse dire c’est que le fait que notre ami crie ou hurle n’a pas que des incidences heureuses sur la tenue générale de l’album, au contraire cela s’en ressent douloureusement, si je puis dire. On est pris de pitié pour ce pauvre cerveau et pour ce pauvre corps ravagé de frustrations adolescentes depuis longtemps évacuées, annihilées, disparues et qui soudain sont revenues sans crier gare alors qu’elles relèveraient normalement pour leur exposition au grand jour de l’établissement psychiatrique à tout le moins.
Si le groupe avait pu par le passé rayer de son vocabulaire et la notion de mélodie et la notion de refrain, jamais – je dis bien jamais - les riffs d’un album de l’ancien groupe phare de la Bay Trash Area n’avaient été aussi primitivissimes, mesquins et étriqués, jamais les paroles n’avaient été d’un groupe majeur n’avaient été aussi vides de sens, aussi proches du graffiti et aussi réminiscentes, par leur pauvreté de vocabulaire et par leur absence totale et totalement visible de sujets, de verbes, de compléments, de tout ce qui fait normalement une phrase complète, de toute parole à même de fonder une chanson et au final un album.
Metallica en est rendu à un stade de sous-animalité que ne renieraient sans doute pas les créatures du Docteur Moreau ou certains émeutiers venus tout droit des banlieues "difficiles" de notre beau pays. Il est donc absolument inexplicable que le chef de file de la bande de jeunes professeurs ès fienteries et nanars (Scott Beaumont dans Rock & Folk) soit allé jusqu’à comparer cet album à Kill’em All : tout cela témoigne surtout d’une culture musicale en berne de l’espoir d’arriver un jour à quelque chose d’un tant soi peu probant. Les fans sont plutôt du genre : « nous, on nous l’a fait pas »… Et ont, en toute logique, boudé l’album et la série de concerts "express" qui lui ont fait office de promotion.
Le fossé qui existe entre la critique et les fans est lourd de sens.
Autre interprétation possible : il faut prendre St. Anger pour ce qu’il est, c'est-à-dire un album en forme de manifeste par lequel Metallica, tombé au plus bas niveau de son nihilisme atonal et mongoloïde, veut clairement dire au monde qu’il n’en a plus rien à foutre. Un album-manifeste plus proche de La Peur de Johnny Hallyday que de Metal Machine Music.
Conclusion : en somme il est assez regrettable de voir que ce qui fut jadis le plus grand groupe de trash du monde et, par le même temps, le plus grand groupe de heavy metal du monde et le dernier grand groupe universel du monde se soit transformé en un vaste champ d’expérimentation destiné à tout et à tous sauf aux vrais fans qui, lassés des pannes du groupe et de cet authentique disque-rogaton vont finir par se détourner définitivement et massivement de leur ex-groupe préféré qui n’est même pas capable d’assumer son acte de renonciation.
Alors, Metallica groupe de 3ème division ? Le franc-parler de Jason Newsted et la rupture à laquelle il était arrivé avaient été prémonitoires ; le fait qu’ils aient résolu le dilemme causé par leurs concerts en arrêtant de jouer des medleys de leurs grandes heures du temps jadis et en se recentrant sur des shows carrés, au plus près des envies des fans, ne résout rien et n’aide pas à comprendre la médiocrité paradoxale de cet album et de tout ce qui l’entoure.
Parfois il est bénéfique de tirer sa révérence et de partir, de s’en aller sans espoir de retour, en fermant le rideau et en déposant de la dynamite à l’entrée de la mine de diamants dans laquelle on s’enferme.
Cap'tain Cody