J'ai près d'un mois de retard, mais je viens d'apprendre la nouvelle par hasard : Levon Helm, batteur de The Band, est décédé le 19 avril des suites d'un cancer.

Je copie l'article de Sylvain Siclier, du Monde :
Des cinq musiciens de The Band, l'un des groupes les plus réputés, de l'histoire des musiques populaire nord-américaines, Levon Helm était le seul non natif du Canada. Batteur, chanteur, guitariste, auteur-compositeur, il aimait dire qu'il occupait " la meilleure place " dans un groupe, à la fois face au public et pouvant être attentif aux réactions de tous les musiciens - même vus de dos. De fait, sur scène, Levon Helm, mort le 19 avril, à l'âge de 71 ans, au Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, à New York, d'un cancer, donnait souvent l'impression d'être celui qui menait, au-delà du statut de gardien du tempo.
Né le 26 mai 1940 dans la ville d'Elaine, en Arkansas, Levon Helm apprend la guitare et l'harmonia à l'âge de 9 ans. En famille on écoute à la radio de la country, du blues et le jeune garçon traîne souvent dans les locaux d'une radio locale ou assiste à des concerts. A 12 ans, il forme un duo avec sa sœur Linda. Dans son autobiographie This Wheels's On Fire, Levon Helm and the Story of The Band (William Morrow & Company) publiée en 1993 et co-écrit avec Stephen Davis, Levon Helm expliquait qu'après avoir vu les batteurs d'Elvis Presley, DJ Fontana et de Jerry Lee Lewis, Jimmy Van Eaton, il avait décidé de se mettre sérieusement à l'instrument. Il y précise aussi que le nom de The Band (le groupe) ne lui avait jamais plu et qu'il aurait préféré qu'il s'appelle The Crackers (cinglés en argot).
C'est donc comme batteur que Levon Helm rejoindra en 1958, le chanteur Ronnie Hawkins, né en 1935 et son groupe The Hawks qui a décidé de chercher gloire au Canada. De lieux en lieux et au gré des départs des musiciens, The Hawks va se stabiliser autour d'Hawkins et Helm avec quatre Canadiens : le bassiste Rick Danko (1942-1999), le claviériste Garth Hudson, le guitariste Robbie Robertson et le pianiste Richard Manuel (1943-1986). Tous ont un, deux voire trois autres instruments à leur arc (saxophone, trombone, accordéon, violon...) et chantent.
Rencontre décisive avec Dylan
Fin 1963, la formation quitte Ronnie Hawkins et devient Levon Helm and The Hawks puis The Hawks. Aux années de formation avec Hawkins succède une rencontre décisive, celle avec Bob Dylan. Pour sa tournée électrique qui débute fin août 1965, Dylan a d'abord recruté Helm et Robertson qui vont insister pour que Dylan prenne l'ensemble de The Hawks comme son groupe de scène. Pourtant Helm, fatigué du rythme effréné de la tournée et des réactions négatives qui accompagnent la partie électrique des concerts, quitte The Hawks et Dylan en octobre. La tournée mondiale du 4 février au 27 mai 1966 se fera sans lui. Le 29 juillet 1966, Dylan, revenu aux Etats-Unis a un accident de moto. Il ne remontera sur scène qu'en 1974... avec The Band. Entre temps la formation sera devenue une institution.
The Band a pris ses quartiers dans une vaste bâtisse rose (The Big Pink) à West Saugerties, près de la ville de Woodstock. Cette maison devient leur lieu de vie communautaire et de créations musicales. Dylan, convalescent, viendra les rejoindre régulièrement durant l'été 1967 pour jouer avec eux. C'est là que va se façonner la synthèse de country, de folk, de blues, de rock et de soul music qui caractérise The Band, une sorte de retour aux sources qui aura des décennies plus tard une forte influence sur les courants neo-folk et americana. Levon Helm, apporte au groupe une frappe précise et chaloupée, dans l'héritage du rhythm'n'blues, très légèrement en arrière du temps. Vocalement il a cette pointe d'accent du Sud des Etats-Unis, le timbre un rien rauque.
Un premier album Music From Big Pink, paraît le 1er juillet 1968. Le groupe a pris alors le nom de The Band. Les idées fusent, chacun amenant une partie de sa culture musicale, de ses envies, même si les chansons ne sont pas écrites collectivement. Un état d'esprit fondateur qui enchante Helm jusqu'à ce que la belle utopie se heurte à des problèmes d'egos. En septembre 1969 sort The Band. Suivra le 17 août 1970 Stage Fright, qui voit Robertson prendre peu à peu le leadership puis Cahoots en septembre 1971 alors que la formation est en crise. Helm et Robertson ne s'entendent plus, la consommation d'alcool et de drogues chimiques de Richard Manuel a pris une tournure inquiétante.
Tournée triomphale
The Band arrivera à un pic artistique avec une série de concerts à l'Academy of Music de New York du 28 décembre 1971 à la nuit du Nouvel An. Dylan les rejoindra à cette occasion lors du dernier concert. Et lorsqu'il décide de reprendre la route lors d'une tournée triomphale du 3 janvier au 14 février 1974 c'est avec The Band qui atteint, lors de ses prestations seul et avec Dylan un dernier sommet (le disque Before The Flood, en public, en témoigne ainsi que l'album Planet Waves par Dylan-The Band). Le groupe se sabordera le 25 novembre 1976 lors d'un concert d'adieu au Winterland Ballroom, à San Francisco, filmé par Martin Scorsese et ses équipes pour le film The Last Waltz.
La carrière de Levon Helm va se poursuivre avec l'enregistrement d'albums solo et plusieurs participations au cinéma. Dans Levon Helm & The RCO All-Stars (1977) et Levon Helm (1978) il fait entendre sa passion pour le rhythm'n'blues et la soul avant une exploration country avec l'album American Son (1980) qui rappelle les variations du Band. La même année il interprète le rôle du père de la chanteuse country Loretta Lyne (jouée par Sissy Spacek) dans le film Coal's Miner Daughter (Nashville Lady en français !) de Michael Apted. En 1983 il joue dans L'Etoffe des héros, de Philip Kaufman, avec Sam Sheppard, Scott Glenn et Ed Harris, épopée sur les pilotes des premiers pas de la conquête spatiale des Etats-Unis, puis enchaîne les seconds rôles dans des séries-B, plutôt du genre thriller ou comédie dramatique (Best Revenge, Smooth Talk avec Treat Williams, End of The Line avec Kevin Bacon, Feeling Minnesota avec Keanu Reeves et Cameron Diaz...).
Acteur pour Tavernier
The Band va seen 1983, sans Robertson, après des retrouvailles entre Helm et Danko. Le groupe tourne, enregistre, mais on est loin de la magie des années 1970. En 1998, Levon Helm apprend qu'il a un cancer de la gorge. Si la maladie l'empêche longtemps de quasiment proférer un son, il continue de participer à des séances et de mener le Levon Helm Studios, superbe endroit au 160 Plochmann Lane, à Woodstock, qu'il a acquis en 1975, tout en bois, doté de studios d'enregistrements, d'une salle de concerts et où se perpétue un esprit familial et chaleureux. Levon Helm devient une sorte de mentor pour de nombreux musiciens qui viennent le voir chez lui. En 1999 la mort de Danko met définitivement fin à The Band.
Endetté par le coût du traitement de son cancer, Levon Helm va organiser, à partir de 2004 dans ses studios, des rendez-vous réguliers de musiciens du rock, de la country et du blues, ouverts au public. A la fin des années 2000, sa santé vocale s'améliore. Il enregistre deux albums, qui obtiendront des Grammy Awards : Dirt Farmer, en 2007, poignante évocation de la vie dans le Sud rural de son enfance - magnifique Wide River to Cross - et Electric Dirt, en 2009 rassemblent des reprises de thèmes country et blues et des compositions originales de la même veine. Au cinéma on le verra encore croisant le chemin de Tommy Lee Jones dans le périple de Trois enterrements (2005), que l'acteur a réalisé. Et Helm, campera un fantomatique général sudiste John Bell Hood (qui fût amputé d'un bars et d'une jambe lors de la Guerre de Sécession), dans le film de Bertrand Tavernier Dans la brume électrique (2009) d'après le livre de James Lee Burke In the Electric Mist with Confederate Dead.