ZiGGy
Skeleton In The Forum
Inscription: 15 Mar 2004 23:51 Messages: 5370 Localisation: Saint Ganton
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 RAY, tous pour Jamie Foxx et Jamie Foxx pour tous.
Ray est un film sur un mec qui s'appelait Ray Robinson. Pas de bol pour lui, ce mec était nègre. Et aveugle. Alors sa maman lui a dit de ne pas se laisser marcher sur les pieds. Du coup il est devenu génial parce qu'il avait une bonne oreille et que sa maman aimait bien Nat King Cole. Mais le génie a toujours ses cotés sombre alors Ray, rebaptisé Charles à cause d'un sucre, sombre dans la drogue. Mais on est à Hollywood alors pour faire une jolie fin on s’arrête là pour dire qu'il s'en est tiré et qu'il a eu plein d'enfants et de petits enfants (et de gros billets verts).
Voila pour l'argument scénaristique. N'allez pas y chercher quelque hommage à la musique des années 50, au rythm 'n blues ou à la soul, il n'y en a pas. N'allez pas y chercher de bonne musique, toutes les chansons sont énumérées dans un ordre chronologique pitoyable, et écourtées pour que le public n'ai pas le temps de prendre son temps. Car le temps perdu fait peur à Hollywood, alors le bon tâcheron qu'est Taylor Hackford fait ce qu'il peut pour aller vite. Et Ray d'enchaîner les classiques accompagnés de trois plans d'un Jamie Foxx hagard plutôt que d'essayer un tant soit peu de se plonger dans les 50's, la création musicale, la drogue, le racisme, l'infirmité, ou quoi que ce soit d'intéressant ou de potentiellement esthétique (au sens artistique hein, pas au sens "beau", le beau c’est chiant). CQFD, Ray est un film laid, plein de vide caché par l'accumulation de lieux communs. Un grand vide fait d'une multitude de scènes obligées autant qu’évidentes, expédiées avec une désinvolture et une vitesse qui tiennent plus du foutage de gueule que de l’art. Reste au milieu de cette bouillabaisse une pépite, l'acteur Jamie Foxx (ce n’est pas une surprise après la réussites de ses films avec Oliver Stone et Micheal Mann). Il est tellement bon qu'on oublie à la fois l'acteur et le personnage pour le suivre sans pouvoir sans détacher mais sans non plus qu'il ne soit envahissant. Manque de bol, là ou une telle performance aurait permis au metteur en scène d'épouser à la perfection le point de vue du personnage, le résultat tient plus de l'objectivité accidentelle (pas une scène qui ne nous fasse partager les impressions de Ray, mais des dizaines qui nous les disent aussi didactiquement qu'un mauvais documentaire sur une chaîne câblée) que de la mise en image d'une personnalité. Ce n'est pas du cinéma, c'est le triomphe de la télé, sans même le talent d'un bon faiseur de clip, puisque les passages musicaux sont démontés à coup de dialogues et de plans caricaturaux du musicien sur scène (un petit mouvement de grue par ci, un raccord dans l'axe rapide et en rythme par là). Le seul à avoir essayer de faire quelque chose de cinématographique est l'acteur. Si vous doutiez de la part mineur qu'un acteur a dans la réussite ou le ratage d'un film, allez voir Ray.
A ce ratage je préfère un film réputé médiocre, Great Balls of Fire, avec lequel les comparaisons ne manquent pas. Même performance de l'acteur, même ressemblance physique entre Denis Quaid et Jerry Lee Lewis, même période (les 50’s), musique semblable (naissance du rock). Mais là, dans un classicisme hollywoodien aussi désuet que celui de Ray, Jim McBride parvenait à filmer la musique dans quelques belles scènes. Chez lui un concert dans un club c'était une chanson, de la discutions, de l'action, et un enjeu, pas la démonstration assenée d'un nouveau tour de force du personnage ! Et quand il se laissait aller au raccourcit si cher aux réalisateurs de bio-pics (vous savez, ces scènes avec incrustes de journaux ou dates défilant pour résumer la vie d'un personnage), ce n'est qu'en fin de film pour laisser la place à une scène un peu plus longue et intime (celles, un peu bancales mais plutôt émouvant, du couple de Jerry Lee et Mira). Taylor Hackford nous impose cette aberration dés le début de son film, et la multiplie à la suite, faisant durer l'exercice plus longtemps que la majorité des scènes du film. Quand les tacherons prendront leur temps, ils pourront faire des films du niveau de Great Balls of Fire. En attendant, ce serait bien de ne pas assimiler les plus vils de ces réalisateurs avec des artisans aux moyens limités mais au discours vivace comme McBride.
En dernier mot, je précise que Ray ne m'a pas donné envie d'écouter un seul morceau de Ray Charles, pas même What'd I Say ou Hit he Road Jack dont je raffole habituellement. Non, après le film j'ai plutôt écouté un bon John Coltrane, histoire de redorer le blason du label Atlantic laissé sur le carreau dans le film. Voila un bon sujet de cinéma que cette histoire, ou celle de n'importe quel autre label créatif à n'importe quel autre moment de l'histoire de la musique... Une occasion de filmer la musique plutôt qu’un acteur la singeant, avec quelque talent que ce soit.
_________________ Je veux bien laisser Ziggy partir en envolées lyriques sur du black-métal norvégien en spandex léopard, mais Pet Sounds faut pas déconner.
En fait ton metal est à mon metal ce que mon café est à ton café.
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