Avec
...and justice for all, le groupe avait essayé de prouver qu'ils étaient des techniciens. Complexés (me demandez pas pourquoi, c'est Ulrich qui racontait ça), ils ont voulu faire un disque "plus long que ceux d'Iron Maiden" (rappelons que
... And justice était un double album en vinyle, vendu au prix d'un simple), avec les passages les plus techniques possibles et les harmonies les plus étranges (j'avais lu une interview de Hammet qui expliquait les modes utilisés pour ses solos en disant "avec un riff dans tel mode, qu'est ce que vous voulez que je fasse ?")
Une fois la preuve faite qu'ils étaient des "musiciens" (perso c'est pas AFJA qui m'en a convaincu... m'enfin), il fallait faire autre chose : ils étaient arrivés au bout de la formule "morecaux longs avec 125 riffs". Le groupe ne voulait pas s'enfermer et devenir une parodie.
La volonté était de faire leur
Back in black. C'est à dire un album à la fois charnière et majeur, un nouveau brévière métallique, un disque qui pourrait s'inscrire dans le temps mais très simple et dépouillé (en nombre de riffs surtout, pas en nombre de pistes). Metallica voulait faire un disque à la AC/DC. Il voulait que le disque "groove" (un de leur point faible jusque là, leur groove s'apparentant plutôt à celui d'une fanfare militaire*)
Je crois que le black album émanait donc d'une volonté artistique, pas d'une volonté commerciale (même si le groupe a toujours eu l'ambition de conquérir le monde).
Aeronth, tu trouves l'album facile d'accès en 2008. Je me souviens très précisément de sa sortie (et de l'impatience qui nous animait tous). Avant d'avoir l'album j'avais vu "en exclusivité" le clip de "Enter sandman" sur MTV. Je ne savais pas quoi en penser. C'était un titre étrange, très différent de ce à quoi le groupe nous avait habitué. Et quand j'ai eu l'album je n'ai pas accroché immédiatement. Il m'a fallu quelques écoutes pour rentrer dedans**.
Comme le raconte Odin, pas mal de gens du "grand public" ont acheté ce
disque pour "Nothing else matters". Ttous les hard rockers ricanaient bien en entendant ça. Le black album n'était pas un album commercial : c'était un foutu disque de heavy/thrash qui défouraillait et qui était admirablement produit (comme le
Back in black produit par Mutt Lange).
Les deux vidéos "Un an et demi de la vie de Metallica" n'ont fait que confimer le truc. Metallica avait créé quelque chose de neuf et de grand, et voulait convaincre le monde. On découvre alors que, la démarche commerciale n'était pas tant dans l'album que dans la tournée. Une tournée interminable, l'association avec Guns'n'Roses, le tribute à Queen, le tournage de plusieurs clips, la participation aux Grammys (rappelons que AFJA était nominé et que c'est Jethro Tull qui l'a remporté dans la même catégorie***...)
Metallica, comme Maiden, est associé à un management costaud et volontaire, qui n'a pas peur de vraiment promouvoir son groupe et qui une énorme ambition pour lui. Ça joue beaucoup dans notre perception de "groupe commercial". Mais la musique ne l'était assurément pas.
La vraie "trahison" c'est
Load /
Reload bien entendu. Pas vraiment en terme de musique (les avancées musicales de ces disques constituent leur meilleurs moments... "Until it sleeps", "Hero of the day"...). Par contre le travail d'image (maquillage, etc.), le remplissage des deux disques, montraient le Metallica de Ulrich, alors que c'est à celui de Jamz que les fans étaient attachés (dévoués ?). Deux albums faibles, un travail d'image "à la U2"... Ajoutons à cela l'impopulaire combat contre Napster (perso j'étais plutôt d'accord avec eux mais sur ce point, je ne suis pas représentatif)... ça n'aide pas.
Saint Anger aurait du renouer le lien avec les fans hardcore, mais, là ou "Un an et demi de la vie de Metallica" participait au mythe, "Some kind of monster" finissait de le détruire.
Pour reconquérir ce terrain (celui du mythe) il y a du chemin. Et ce n'est pas
Death Magnetic qui va l'y aider : album médiocre (pour les plus optimistes), nul à chier pour les puristes dont je fais partie (parce que Metallica médiocre = DLM, une équation que tout le monde ne veut pas poser). La machine est en roue libre, le discours associé est celui de vieux musiciens qui ne cherchent plus à créer une oeuvre cohérente et inattaquable mais simplement à "se faire plaisir" (sans déconner, est ce que Led Zep "se faisait plaisir" ?).
Aeronth a écrit:
Beaucoup de gens se sont mis au métal avec cet album.
Beaucoup de gens se sont mis au hard rock avec
The number of the beast ou
Back in black, et il ne s'agissait pas d'albums "commerciaux". Ils étaient juste plus exposés à ce moment là et servaient de porte d'entrée au nouveau.
* "
Bonham would be proud" dit Ulrich sur la vidéo en écoutant une partie de batterie...
** Inutile de voir là une contradiction avec ce que j'ai dit pour
Death magnetic que j'ai jugé très vite. Le black album, même s'il était déroutant en première écoute, restait assez séduisant pour l'auditeur habitué aux premiers disques de Metallica.
*** Ulrich commentera leur victoire aux Grammys pour le black album en remerciant Jethro Tull de ne pas avoir participé cette fois là, preuve qu'il avait encore le dernier résultat en travers de la gorge