
SAXON: DENIM AND LEATHER (1981)
SAXON : DENIM AND LEATHER (1981)
1981. Les plus prometteurs des groupes issus de la New Wave Of British Heavy Metal sont en pleine phase ascendante. Les fauves ont été lâchés et tentent de se faire une place dans la grisaille britannique. De toutes ces formations (Tygers Of Pan Tang, Def Leppard, Iron Maiden, entre autres), Saxon est l’une des plus prometteuses et a indéniablement le vent en poupe. Biff Byford, Paul Quinn, Graham Oliver, Steve Dawson et Pete Gill en veulent. Leur 2ème album Wheels Of Steel les a imposés en Grande Bretagne et l’excellent Strong Arm Of The Law a enfoncé le clou.
Denim And Leather doit par conséquent être l’album de la consécration. Il paraît en septembre. Le titre renvoie bien évidemment à la tenue des fans du groupe et des hardos en général (du moins à l’époque, rien à voir avec la dégaine des membres de Soulfly ou de Korn). Denim… est dans la lignée de ses prédécesseurs : honnête et sans concessions. Pas de superproduction (ce sera le cas plus tard, cf.Crusader) ; au contraire, Nigel Thomas fait plutôt dans l’économie de moyens. Le son est brut, austère, ce qui ne signifie pas qu’il est étriqué.
A cette époque, Saxon se situait entre Motörhead et Maiden. Des 1ers, il avait le goût des compos rapides (en nettement moins radical) ; des seconds, il avait la capacité de proposer des
classiques imparables. La musique était alors l’expression d’une entité collective nommée Saxon, chaque membre du groupe étant systématiquement crédité (ce qui nous éloigne cette fois d’un Maiden). Le groupe apparaît ainsi comme un bloc compact et soudé, certes un peu monolithique parfois : il y a très peu de place pour l’individualité dans les 9 compositions ici présentes. Le goût des groupes de la génération précédente pour les démonstrations superfétatoires est oublié.
L’album contient quelques perles méconnues : Play It Loud et ses paroles amusantes et quelque peu datées (« I’m sick of people saying our music is too loud… They’ll never stop the music they’re living in the past”), l’excellent Midnight Rider sur lequel on retrouve les habituelles métaphores aériennes du groupe (« Ride the silver eagle out of JFK » qui rappelle le « Riding in my bird of silver steel” de 20 000 Feet, sur Strong Arm Of The Law) et déjà cette obsession américaine qui fera tant de mal au groupe quelques années plus tard…
Le disque s’ouvrait de fort belle façon sur le classique Princess Of The Night qui évoque une locomotive (ça change des avions…) qu’admirait le narrateur. « She used to be an iron horse twenty years ago.” C’est surtout un superbe hymne métallique véhiculant une réelle émotion.
Suit l’efficace Never Surrender, qui véhicule un message positif appelant à se battre contre l’adversité : « I started from the bottom, I’m heading to the top. » On est loin du « metal dépressif post-grunge » des années 90.
La plupart des compositions parlent cependant de musique et de la vie sur la route : le déjà-cité Midnight Rider, mais aussi And The Bands Played On, Denim And Leather et Rough And Ready. Ce dernier est un autre morceau efficace et bien envoyé. Son riff rappelle celui du Burn de Deep Purple ainsi que celui du Serious d’Alice Cooper. Pas très original donc, mais Saxon n’avait rien d’un innovateur. Le morceau-titre fait bien sûr référence aux débuts tumultueux de la NWOBHM : « Where were you in ’79 when the dam began to burst… »
Quant à Fire In The Sky, cette chanson aborde l’un des rares thèmes propres à glacer le sang des musiciens de heavy metal les plus virulents, celui de l’Apocalypse nucléaire ! Saxon abordera à nouveau cette question sur Shadows On The Wall (album Killing Ground, 2001).
Denim And Leather fait ainsi partie de ces disques qui gagneraient à être redécouverts. N’importe quel amateur de rock speedé devrait pouvoir s’y retrouver. C’est cette spontanéité rock’n’rollienne qui fait tout le charme du Saxon première époque, avec ce côté « musique de bikers ». On a là une urgence un peu naïve et une réelle innocence, des denrées rares de nos jours. Signalons aussi que lorsque le groupe décida de réenregistrer ses classiques en 2002 (album Heavy Metal Thunder), ce ne furent pas moins de 4 extraits de cet enregistrement de 1981 qui furent retenus et remis au goût du jour.
En 1981, Saxon était un groupe plus que prometteur, davantage qu’un simple espoir : ce groupe semblait destiné à atteindre les sommets. Les circonstances en ont décidé autrement. Ironique signe des temps : c’est en septembre que parut ce superbe album. Ce même mois, un certain Bruce Dickinson quittait Samson pour devenir le chanteur d’Iron Maiden. A partir de là, Maiden, qui était peu ou prou au même niveau que Saxon, allait prendre une avance décisive, tout comme les jeunots de Def Leppard deux ans plus tard.
