EXTRAITS DE LA CONFERENCE PRONONCEE PAR LE PERE JEAN-PAUL BLANCHARD LE 1er SEPTEMBRE 1984.
Je dédie ce discours à mes amies Tipper Gore et Suzan Baker du P.M.R.C. Puissent-elles continuer longtemps à brandir l’étendard du beau, du bon et de l’harmonie universelle...
Mes bien chers frères, l’heure est grave ! Il y a quelques jours, le 17 août dernier, une nouvelle offensive de l’Antechrist a été lancée contre le monde civilisé et je dois admettre que cette dernière est d’une ampleur et d’une intensité absolument inédites.
Cette fois, l’Horreur se nomme Blackie Lawless. Ce patronyme n’est évidemment pas innocent : de nos jours, la corruption généralisée des mœurs fait que le Mal peut avancer impunément à visage découvert. Cette créature se produit sur scène avec quatre autres dégénérés du même acabit sous le nom de W.A.S.P. Attention, il ne s’agit pas là de ce bel insecte volant que Notre Seigneur, dans sa bonté, imagina il y a bien longtemps… Ces quatre lettres ne nous renvoient pas non plus à l’appellation White Anglo Saxon Protestant qui symbolise la grandeur de notre valeureuse nation. Non, mes amis. En réalité, cela signifie… je n’ose le dire…cela signifie, tenez-vous bien… We Are Sexual Perverts… Oui, nous touchons le fond… (…)
Regardez cette pochette : il s’agit de celle de leur premier album ( leur 1er single-comme disent les spécialistes- proposait une image d’une telle obscénité que je n’ose vous la présenter, de même que je préfère taire le titre de cette ignominie) !
Oui, osez regarder l’insoutenable ! Ces quatre énergumènes avachis dans un décor que ne renieraient pas des sauvages néanderthaliens ! Regardez bien ces rochers recouverts d’ossements : des restes d’animaux, me direz-vous ! Pas uniquement, hélas! Le côté gauche de la photo nous révèle indubitablement la présence d’ossements humains : sans doute un malheureux enfant enlevé puis sacrifié à la gloire de Satan, après avoir subi Dieu sait quels outrages ! Et que dire de l’arrière plan : vraisemblablement un pauvre prêtre torturé de façon abominable avant d’être dévoré vivant ! Ces êtres diaboliques sont aussi de vils anthropophages… Au-dessus de cette misérable victime apparaît le logo du groupe, entouré de flammes. Tout cela est si limpide…
Observez maintenant la pause lascive de la créature androgyne qui se trouve au fond, à gauche. Et puis, à droite, la violence et la haine du genre humain qui émanent de ces deux suppôts de Satan. Par leurs poses martiales, ils semblent inciter nos jeunes gens à la révolte…
Mais le plus maléfique, le plus dangereux, le plus pernicieux est sans conteste celui qui se trouve au premier plan. Oui, observez bien son accoutrement. Voyez-vous la scie circulaire greffée à son avant-bras gauche ? Il s’en sert au cours d’abominables séances de sadomasochisme, pour découper d’infortunées vierges. Et puis, cette étrange mèche de cheveux blancs ! S’agit-il d’une excentricité capillaire similaire à celle des « punks » ? Non, mes amis, c’est la marque du Malin. Apparemment plus calme que les autres, il n’en est pas moins le plus dangereux. Vous l’avez compris, il s’agit du dénommé Lawless.
Oh, j’oubliais. Un visage inquiétant orné de deux yeux maléfiques apparaît en superposition. Procédé subliminal ! Il s’agit des yeux de l’Antechrist…
Le verso nous propose quatre clichés représentant ces quatre zombies pervers. Avant de poursuivre, je vous invite à prier avec moi et à répandre un peu d’eau bénite sur cette pochette (…)
Parlons maintenant du contenu ! Il est bien sûr l’équivalent sonore des pénibles images que nous avons longuement commentées. De la musique ? Non, il s’agit d’une vile cacophonie qui vise à nous entraîner dans une sarabande infernale. Récemment, j’ai surpris de jeunes adolescents, habitués autrefois de nos groupes de prière et fidèles à l’office du dimanche, en train d’écouter ce genre d’insanités. Ils étaient absolument méconnaissables avec leurs t-shirts noirs à l’effigie de ce groupe et leurs jeans déchirés. Leurs cheveux avaient poussé grotesquement et ils secouaient bizarrement la tête tout en tapant du pied, tels des possédés. Pénible spectacle !
N’étant pas compétent en la matière, je m’abstiendrai donc de toute tentative d’analyse d’ordre musicologique. Tel un maelstrom vertigineux et maléfique, la combinaison de différents instruments (guitares, basse, batterie) amplifiés électroniquement semble tout emporter sur son passage. Que dire de ces parties de guitare que l’on appelle « riffs » ? Ils constituent la pierre angulaire de cet édifice satanique. Leur répétition vise à endormir l’esprit critique de l’auditeur qui abdique alors de tout sens critique. Par moments, l’un des guitaristes se lance dans ce que les fanatiques du genre nomment « solo ». Il s’agit d’attaques perfides qui évoquent l’agression d’un marteau-piqueur. Celles-ci, bien que très courtes, semblent durer une éternité. Il y a quelque chose d’indéniablement pervers dans ces délires orgiaques et, osons le mot, masturbatoires. Quant à ce batteur ! Il frappe son instrument, tel un sauvage son tam-tam. The Torture Never Stops... C’est le titre de la dernière “composition”. C’est bien là le seul élément de sincérité présent dans cette symphonie du chaos ! Effectivement, ce titre résume tout ce qui précède, ces stridences qui heurtent les nerfs et martyrisent le bon goût : une indicible torture. Et qui ne cesse effectivement pas. Par la suite, ces rengaines ne cessent de vous trotter dans la tête, vous empêchant de prier sereinement.
En réalité, il y a sur ce disque un seul moment de pureté : j’ai nommé les chants d’enfants qui ouvrent le titre intitulé School Daze. Mais, attention ! , méfiez-vous : il s’agit d’une ruse du Démon qui tente de séduire le crédule auditeur.
Car sur Tormentor (autre titre fort approprié), Lawless se livre totalement et nous dévoile toute la noirceur de son âme tourmentée : « I’ m a liar and I’m a cheat (…) I have no moral and I’m a thief, I'm a killer and tormentor." Quel programme! La suite est encore pire. Lawless fait l’apologie du sadisme le plus violent : « I’m a sadist that whips the flesh ». Cette déviance est aussi présente sur On Your Knees au titre explicite : vous l’avez deviné, il ne s’agit pas là de se prosterner devant Notre Seigneur. On est ici bien loin de la sainte génuflexion !
Ce même sadisme que l’on trouvait déjà au début du The Torture Never Stops cité plus haut : « Bang, bang, banging in your head, You’re banging on the walls (…) You’re hanging by your balls.” Qu’ajouter à ça?
D’autres morceaux exaltent le péché de chair : citons l’ignoble L.O.V.E. Machine et son refrain entêtant. Il y a aussi The Flame… non, ne voyez là aucune référence aux flammes de l’Enfer qui, souhaitons-le, mes frères, consumeront bientôt l’intégralité de ce Wasp ainsi que ce maudit Mike Varney… il se trouve que la flamme en question est une maladroite mais O combien explicite métaphore libidineuse. On pourrait presque parler de métaphore filée car on la retrouve aussi sur Sleeping In The Fire : « Taste the love (…) The passion and all the pain are one.”
Comme me le faisait récemment remarquer notre excellente Tipper Gore, ce morceau permet aussi de se moquer impunément de l’autorité parentale : « Mom and daddy said the life that you’ve led, you’ll party your way straight to hell ».
Mais tout ce qui précède n’est rien. Le pire,hélas, reste à venir. Après avoir mis en condition le malheureux auditeur désarmé et l’avoir incité à se vautrer dans le stupre et la débauche, afin d’affaiblir ses défenses immunitaires, on en arrive maintenant à l’indicible : il s’agit de la consécration à Satan. Mais d’abord, je vous invite à prier à nouveau et à aller boire une bonne tisane en compagnie de Sœur Sidonie… je vous encourage aussi à déposer quelques billets dans les urnes prévues à cet effet, après tout, la participation à cette conférence n’était que de 60 dollars…
En effet, sous ses airs de ballade candide (dont un autre groupe heavy metal est aussi spécialiste, j’ai nommé les démoniaques Scorpions), Sleeping In The Fire nous prépare au pire : « Taste the love. The Lucifer’s magic that makes you numb. » Que tout cela est explicite ! Aujourd’hui, les artistes rock’n’roll ne prennent même plus la peine d’user de messages masqués renversés !
Ces sataniques vont encore plus loin dans Hellion : « Hell-bound, hot leather on your legs(…)It’s going down in flames. You’re riding Hades’rails. Hellion, the devil’s Hellion child.” Les spécialistes relèveront l’influence des sorciers britanniques de Judas Priest.
La preuve ultime de ce que j’avance se trouve dans le dernier couplet de cette infâme chansonnette : « The Gods you worship are steel
At the altar of rock’n’roll you kneel”
Prions donc le Seigneur miséricordieux, avec la même force qu’il y a deux ans : souvenez-vous de ce qui arriva à cet avion, et quel fut le destin de cette star du rock dépravée (pléonasme), ce guitariste maléfique qui, tel un joueur de flûte perverti et démoniaque, menait toute une génération de jeunes Américains sains droit vers l’ abîme... Son apparence angélique ne nous abusa pas un instant et ce Rhoads brûle maintenant en Enfer.
Venez, mes frères, et détruisons ces disques heavy metal par le feu…Amen…
