Bon hier, je suis allé voir « BROKEN FLOWERS » de JARMUSH. C’était un peu une nouveauté pour moi parce que c’était la séance de 19h30 / 20h et ça devait être la première fois de toute ma vie que je vais au cinoche sur ce créneau là. D’ordinaire, j’attends la dernière séance et je vais en semaine pour voir le moins de cons possibles. Bref, tout ça pour dire qu’avec les cinémas parisiens, la populace dépend vraiment de l’horaire et du film. Et quand vous allez voir un « film intello ricain » à 19h en semaine, vous vous retrouvez irrémédiablement entouré de quinquagénaires BCBG ou de cadres branchouilles (avec Le Monde plié sous le bras) qui retrouvent leurs blondes directement après le boulot. Du coup, j’avais un peu l’air con en survet’ (je suis en RTT cette semaine) en train de bâfrer du Pop Corn parmi eux. C’était bizarre : il me regardait en pensant sûrement « qu’est ce qu’il fout là lui ? » et moi je me demandais « qu’est ce que je fous là avec ces cons ? ». Autant dire que j’étais en bonnes conditions pour aller voir le film.
Le film, justement parlons en : JE N’AI PAS A ME JUSTIFIER D’ALLER VOIR LE DERNIER JARMUSH JUSTE PARCE QUE J’ADORE BILL MURRAY.
Alors pour tout ceux qui ne veulent pas lire mes longues divagations sur la symbolique de la perte du père blabla, je vais répondre d’emblée à la question qui vous brûle les lèvres : faut-il aller voir « BROKEN FLOWERS » ? Est ce que c’est bien ? Ca vaut le coup ? Ma réponse : ça dépend ce que vous recherchez en ce moment dans les salles obscures. Je sais, je suis pas marrant comme type.
M’enfin si je devais m’exprimer en une phrase, ce serait :
« BROKEN FLOWERS » est un bon et très beau film.
Bill MURRAY a un don – un peu comme Adam SANDLER mais dans un autre registre : il n’a pas besoin de forcer son talent pour faire passer certains sentiments comme la dérision, l’oubli, ou encore le désabusement .
Personne ne semble plus perdu que Bill MURRAY quand il regarde la caméra impassible. Personne ne dit mieux « qu’est ce que je fous là ? » avec ses yeux. Personne ne pouvait mieux incarner « Don » que Bill MURRAY. Et ce talent « naturel », JARMUSH l’a bien pigé et ce n’est pas pour rien qu’il a fait appel de nouveau à lui après le rafraîchissant « COFFEE & CIGARETS ».
L’histoire de « BROKEN FLOWERS » pourrait tenir sur un emballage de Carambar : un Don Juan sur le retour, fraîchement retraité et célibataire voit sa vie bouleversée par une mystérieuse lettre rose bonbon. Non seulement, il apprend qu’il est papa depuis 19 ans mais en plus il ne se rappelle plus qui est la mère.
Autant le dire tout de suite, « BROKEN FLOWERS » n’est pas une comédie. Si vous y allez dans le but de vous tordre de rire, allez directement en prison et ne passez pas par la case « Départ ». Pourtant, « BROKEN FLOWERS » est souvent très drôle. Ca n’est pas un drame, ni un film à suspens, ni une de ces énièmes chroniques douces-amères. « « BROKEN FLOWERS » n’est pas vraiment catégorisable et joue alternativement sur plusieurs tableaux : le drolatique, le sentimentale, le contemplatif, le cynique ou encore l’onirique. C’est un peu en cela qu’on peut parler de film d’auteur car le réalisateur nous emmène vraiment là où il veut et en toute liberté, usant (et abusant) des métaphores qui lui parlent.
Et JARMUSH a justement décidé avec « BROKEN FLOWERS » de nous emmener nulle part. Sous prétexte d’un voyage à la fois mystérieux et initiatique, JARMUSH préfère aborder tout un tas de symboliques et sujets à la fois sans jamais en prendre vraiment un à bras le corps, cette volonté fugace de ne jamais « concrétiser » son film le rend ainsi étonnamment léger et riche. Cela se traduit en pratique par une caméra « doucereuse » qui caresse sans cesse ses acteurs, et qui crée de facto une sorte d’intimité avec le spectateur. Evidemment, Bill MURRAY déjà habitué à être filmé de la sorte, habitué à cet « œil » (Cf. « LOST IN TRANSLATION » de Sofia COPPOLA) est parfait et resplendit tout le long du film.
« BROKEN FLOWERS » est donc aussi le film que l’on veut bien voir. Certains parleront avant tout d’un film sur le sens de la vie (l’heure des bilans), d’autres préfèreront y voir un film sur la paternité et la symbolique du père, d’autres encore parle de la thématique du changement, de l’identité… quant à moi j’ai préféré y voir une allégorie légère des relations hommes / femmes. Chacun a sa relecture de « BROKEN FLOWERS », c’est ce qui non seulement le rend intéressant mais aussi foisonnant… et désespérément vide. Car il est évident que JARMUSH ne va pas prendre le soin d’apporter une réponse toute faite aux interrogations du spectateur. Non, JARMUSH le plante et le hante avec ce visage à la fois si désespérant et apeuré de son Don Juan décati. De cette façon, le réalisateur est sûr de deux choses : comprend qui veut, et qu’il est impossible d’oublier le paradoxal personnage principal de « BROKEN FLOWERS » - bien après que les lumières du cinéma se soient rallumées.
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) , MAIS j'ai vraiment eu du mal avec lost in translation...
)
