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Quand le critique fait oeuvre...
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Auteur:  ZiGGy [ 13 Mar 2005 16:25 ]
Sujet du message:  Quand le critique fait oeuvre...

Je parlais dans un autre sujet des grands auteurs critiques, en citant Louis Skorecki. Ca m'a donné l'idée d'un petit sujet ou l'on pourrait balancer des liens vers des critiques dont la valeur vient plus du texte que de l'avis/analyse/jugement.

Et donc, voici Louis Skorecki chez Libé. Il parle d'Autopsie d'un Meurtre.




La télévision et le cinéma, c'est pareil. Il n'y a que les crétins pour ne pas s'en rendre compte. Murder One et Autopsie d'un meurtre, c'est pareil. Même feuilleton. Les avocats, les jolies filles, les crapules. Steven Bochco, Otto Preminger, c'est pareil.

­ Hill Street Blues ?

­ Pareil.

­ La Loi de Los Angeles ?

­ Pareil.

­ Ally McBeal ?

­ Pareil. David E. Kelley, Otto Preminger, c'est pareil.

­ Lee Remick et Calissa Flockart ?

­ Pareil.

­ James Stewart et Dylan McDermott ?

­ Pareil.

­ Tu exagères.

­ Non. Ils ont la même morphologie. Peut-être le même tailleur. Dylan McDermott et Gary Cooper, c'est aussi pareil.

­ Pourquoi Gary Cooper ?

­ Dans un autre grand film judiciaire de Preminger, Condamné au silence, c'est Gary Cooper qui fait l'accusé.

­ Dans The Practice, Dylan McDermott ne fait pas l'accusé, il fait l'avocat.

­ C'est pareil.

­ Pareil ?

­ Question de morphologie.

­ Pardon ?

­ La morphologie importe plus que la place dans le rituel.

­ La place à qui ?

­ A toi, à moi, on s'en fout.

­ Je ne suis ni avocat, ni coupable.

­ C'est ce que tu crois.

­ Ils sont de quand, tes Preminger ?

­ 1955 pour Condamné au silence, 1959 pour Autopsie d'un meurtre.

­ Le cinéma a changé en cinquante ans. C'est toi qui n'arrêtes pas de le dire avec tes guillemets et tout le tintouin.

­ Le cinéma, pas la télé.

­ Ah bon ?

­ Tu ne savais pas que la télé, c'est le cinéma sans guillemets ?

­ Non.

­ Tant pis pour toi.

Auteur:  ZiGGy [ 13 Mar 2005 16:27 ]
Sujet du message: 

CIRCLE of DANGER

Ne pas oublier que Tourneur était très gentil. Ils sont combien, à ton avis, les grands cinéastes qui ne sont pas des crapules ?

­ Je ne sais pas.

­ Dis un chiffre.

­ Sur les cent plus grands cinéastes, il doit y avoir quinze braves types.

­ Ah Ah Ah.

­ Combien ?

­ Tourneur, Brisseau. C'est tout.

­ Et Biette ?

­ Non.

­ Lang ? Mizoguchi, Renoir ?

­ Non.

­ Pourquoi ?

­ Il faut être dur pour faire du cinéma.

­ Un dur, c'est forcément un salaud ?

­ Oui.

­ Tu aimes les mous, alors ?

­ J'aime la gentillesse. Quand c'est Tourneur ou Brisseau, deux grands artistes du cinéma sans guillemets, la gentillesse fait partie de leur art.

­ La gentillesse, c'est un art ?

­ Non. Je veux juste dire qu'être un grand cinéaste sans perdre son humanité, c'est miraculeux.

­ Ça se sent dans les films ?

­ Si tu sais regarder, oui.

­ Comment on fait pour regarder ?

­ On ferme les yeux.

­ Et comment on voit le film ?

­ Avec son âme évidemment.

­ Comment on fait pour regarder un film avec son âme ?

­ Je te l'ai dit, on ferme les yeux.

­ Le film, on ne le voit pas alors ?

­ Qui t'a dit qu'il fallait des yeux pour voir un film ?

­ On le voit avec quoi alors ?

­ Avec les oreilles, couillon.

­ Les oreilles, c'est pour écouter.

­ Voir, écouter, c'est pareil.

­ Et Circle of Danger, c'est comment ? C'est de 1951, c'est ça ?

­ C'est ça. Ferme les yeux. Ecoute la lande galloise. Ecoute les esprits de Night of the Demon.

­ Mais Night of the Demon, c'est de 1958 ?

­ Il faut toujours sept ans aux esprits pour passer d'un film à l'autre. Tu ne le savais pas ?

­ Non.


CHOSES SECRETES (2)

Ne pas oublier que Tourneur était très gentil. Brisseau aussi. Brisseau surtout. Ils sont combien les grands cinéastes qui ne sont pas des crapules ?

­ Je ne sais pas. Quinze ou seize.

­ Tu veux rire.

­ Combien ?

­ Tourneur, Brisseau. C'est tout.

­ Et Biette ?

­ Non.

­ Mizoguchi, Renoir ?

­ Non.

­ Pourquoi ?

­ Ce sont des durs. Ils ne font de cadeaux à personne.

­ Un dur, c'est un salaud ?

­ Tu poses mal la question. Quand c'est Tourneur ou Brisseau, deux des plus grands artistes du cinéma, la gentillesse est un art.

­ Ah bon ?

­ Etre un grand cinéaste sans perdre son humanité, c'est miraculeux.

­ Ça se sent dans leurs films ?

­ Evidemment. Si tu sais regarder.

­ Comment on fait ?

­ Tu fermes les yeux.

­ Comment je vois le film ?

­ Avec ton âme.

­ Comment ?

­ Je te l'ai dit, tu fermes les yeux.

­ Mais le film, je le vois comment ?

­ Qui t'a dit qu'il fallait des yeux pour voir un film ?

­ Je le vois comment, alors ?

­ Avec les oreilles.

­ Les oreilles, c'est pour écouter.

­ Voir, écouter, c'est pareil.

­ Choses secrètes, c'est comment ?

­ Ferme les yeux. Ecoute les filles qui crient.

­ Elles crient ? C'est porno, alors ?

­ Non. C'est chrétien. Tordu mais chrétien.

­ Pourquoi elles crient ?

­ Elles jouissent.

­ Pour de bon ?

­ Non. Elles font semblant.

­ Pourquoi ?

­ Si je te raconte, il n'y aura plus de suspense.

­ Il y a du suspense ?

­ Sexuel, oui.

Auteur:  ZiGGy [ 13 Mar 2005 16:29 ]
Sujet du message: 

Se rappeler qu'en 1935, dans les comédies farfelues de John Ford dont Steamboat Round The Bend est l'exemple le plus achevé, rien n'est fixé d'avance. Le cinéma ne s'est pas encore fragmenté en genres. Il faudra attendre le code Hays, la censure, les étagères où ranger les films, où les classer, où les classifier. En 1935, rien de tout cela n'existe encore. Pour quelques années, tout est encore possible.

­ Classer les films, c'est mal ?

­ Ça limite le champ d'action du cinéaste.

­ Et du spectateur ?

­ Bien sûr. C'est pourquoi les cinéphiles appartiennent à l'après-cinéma. Ils découpent le cinéma en tranches. Ils désossent, ils classent, ils hiérarchisent, ils trient.

­ Tu exagères, comme toujours.

­ Je suis en dessous de la vérité, tu veux dire. Le cinéma a cessé de vivre au grand jour, sans guillemets, dès qu'on s'est avisé d'en faire des fiches cuisine.

­ Tu en as fait toi aussi, tu oublies ?

­ Je n'oublie rien. Je ne vais quand même pas faire le tour du bureau en hurlant : «C'est de ma faute. C'est de ma faute. J'ai voulu sortir le cinéma de la rue, et je lui ai coupé les couilles à la place.»

­ Tu n'arrangerais pas ton cas. Déjà que tu es mal vu.

­ Ford, c'est le cinéma d'avant les guillemets. Il a des couilles, lui.

­ Toi aussi

­ Tu crois ?

­ Regarde, quand je touche, ça grossit.

­ Tu crois ?

­ Oui, mon, amour. Steamboat Round The Bend, c'est si beau ?

­ C'est la vie même.

­ Comment, la vie même ?

­ Des amoureux, un prophète, une course le long du Mississippi.

­ Et Will Rogers. C'est qui déjà ?

­ Mark Twain déguisé en James Stewart. Tu le vois, tu n'y crois pas.

­ C'est bien, ça ?

­ Oui.

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