10 ans sans un tube digne de ce nom ! Telle était la situation de ce pauvre Alice Cooper à la fin des années 80. Difficile à encaisser pour une ex-superstar des seventies. De quoi se remettre à boire !
Ce n’était pourtant pas faute d’avoir lésiné sur les moyens… En 86, pour son come-back, il s’était entouré de producteurs comme Michael Wagener (pour la crédibilité) ou Beau Hill (le succès de Ratt expliquant vraisemblablement ce choix). Son groupe d’alors était un conglomérat de mercenaires sortis d’une ruelle mal famée, le guitariste body-buildé Kane « Rambo » Roberts en tête. Constrictor était l’album le plus heavy jamais enregistré par le Coop, le genre de truc à décourager bien des vieux fans… Personnellement, je me souviens avoir apprécié ce disque à sa sortie, en raison justement de son côté moderne. Sur scène, c’était plus mitigé. Alice demeurait un grand show-man. Le spectacle était très gore, dépourvu de l’onirisme des années 70. Ce qui était gênant, c’était la cohabitation entre vieux classiques et nouveaux titres heavy. Le parti pris très eighties du son desservait plus qu’autre chose les Under My Wheels et autres Only Women Bleed.
L’album connut un succès d’estime, tout comme Raise Your Fist And Yell, son successeur. Mais cela ne satisfaisait pas totalement Alice, agacé par le succès des Kiss, Wasp, Motley et consorts. Il décida donc de frapper un grand coup, changea de musiciens et s’acoquina avec le Grand Manitou du hard US de l’époque, le producteur Desmond Child, véritable Midas du hit metal, grand pourvoyeur de tubes pour Kiss, Bon Jovi, Bonnie Tyler et tant d’autres.
Regonflé à bloc par son nouveau contrat avec Epic, Alice ne cachait pas qu’il avait l’intention de cartonner à nouveau dans les charts et de bouffer à nouveau du disque de platine.
Certains mauvais esprits qualifièrent Trash de Cooper Aid… il est vrai que la liste des invités est impressionnante : Kip Winger (son ancien bassiste, devenu une star avec son propre groupe),Richie Sambora (auteur avec Bon Jovi, autre invité de marque, de Hell Is Living Without You, pièce montée typique du hard pop d’alors), Stiv Bator ( !), Steve Lukather, Joan Jett (auteur de l’hymne House Of Fire)… J’allais oublier Tom Hamilton, Joey Kramer, Joe Perry et Steven Tyler … mais où est donc passé Brad ? Ca faisait bien 10 ans qu’il n’y avait pas eu autant d’invités sur un Alice Cooper.
D’autres mauvaises langues (le monde est cruel) insinuèrent que le choix du titre de l’album était révélateur du cynisme d’Alice…
Trash est donc une œuvre controversée. Les puristes (pas forcément les vieux fans, d’ailleurs) font la moue : soupe FM commerciale, catalogue des déjections radiophoniques des années 80, beurk, caca, poubelle…
Les autres (et notamment le jeune public qui découvrit le Coop en 89) estiment qu’il s’agit d’un petit chef-d’œuvre de hard US.
Personnellement, je me situe entre les deux, mais plutôt du côté de la 2nde catégorie.
La production est bien évidemment irréprochable. Le disque est varié. On trouve là aussi bien du heavy rock qui déménage (tout est relatif, bien sûr), genre Why Trust You que des compos plus contrastées.Le refrain de Spark In The Dark est entraînant à souhait. House Of Fire est un excellent hymne hard rock. La ballade de service Only My Heart Talkin’ est cependant un brin trop formatée à mon goût. Mais le syncopé This Maniac’s In Love With You est plutôt bien envoyé (pour un peu, on se croirait revenu à l’époque de Billion Dollar Babies). Trash, le morceau, est rock et caustique à souhait (malgré sa fin « rappée » en compagnie de Bon Jovi). Tout cela est certes très calibré et dépourvu de vraie folie, on est globalement loin de l’atmosphère des chefs-d’œuvre des années 70.
Il est naturellement impossible de ne pas citer le hit Poison qui montera à la 2ème place des classements en Grande Bretagne, très bonne chanson dans l’absolu, avec son excellent riff si typiquement cooperien. N’oublions pas non plus Bed Of Nails (dont les paroles sont très philosophiques), au riff très similaire à celui de Poison et qui donnera aussi lieu à un clip sympa.
A l’arrivée, et après une intense campagne de promotion (Alice parcourant les Etats-Unis juché sur une benne à ordures), l’objectif initial fut atteint : succès commercial conséquent, 1.5 million d’exemplaires vendus aux USA, même chose en Europe. Il est vrai que Trash s’inscrivait parfaitement dans l’air du temps. On était alors à l’apogée de la popularité d’un certain hard US (c’est aussi l’année de Dr Feelgood et de Pump). Le public accueillait aussi avec enthousiasme le retour des vieilles gloires (Stones, Aerosmith,etc).
Il est clair que c’était le moment idéal pour sortir une telle production. Quelques années plus tard, après la déferlante grunge, il était devenu totalement impensable de prétendre jouer ce genre de musique.
Quant à Alice, il revint par la suite à des délires plus personnels.
