
JUDAS PRIEST: ANGEL OF RETRIBUTION (2005)
Voici donc le grand retour de RobMetalGodHalford au sein de son combo d’origine, Judas Priest !
Le précédent album, Painkiller, avait permis à une nouvelle génération, férue de power metal et autres thrasheries, de découvrir cette institution britannique. Painkiller avait ainsi été décrété chef-d’œuvre absolu et indétrônable par un public qui fit parfois une drôle de tête en découvrant le reste de la discographie du groupe… Je fais partie de ceux qui n’ont jamais considéré ce Painkiller (aussi bon soit-il !) comme le sommet de la carrière des Anglais, ni commercialement (c’est Screaming For Vengeance !), ni artistiquement (ce serait plutôt Defenders Of The Faith). Quoi qu’il en soit, Angel Of Retribution n’a strictement rien à voir avec son illustre prédécesseur, sorti 15 ans plus tôt (je ne tiens pas compte de la période intermédiaire qui ne m’intéresse pas). Il est clair que certains fans de Painkiller doivent l’avoir mauvaise, du moins ceux qui attendaient Painkiller : The Return ! Car Angel Of Retribution est en réalité le petit frère de l’excellent Killing Machine. Le Priest cuvée 78 était particulièrement versatile, alternant pur heavy metal et pop chatoyante, hymne de biker et ballade charmeuse. C’était avant que le groupe ne décide de simplifier son approche de la musique et ne se métamorphose en monstre froid, ce qu’il demeura durant toutes les années 80 (à l’exception de Point Of Entry et Turbo).
Justement, Judas Rising est une bonne entrée en matière qui rappelle cette facette « classique » du Priest : du heavy sans surprise, solide et efficace, bien lourd ! Cela permet de montrer aux fans que Judas est bel et bien de retour.
Deal With The Devil, en dépit du clin d’œil au Blood Red Skies de Ram It Down (dans les paroles), nous ramène à l’esprit de Hell Bent For Leather et autres Delivering The Goods : excellent hymne heavy, concentré de métal en fusion. Un classique en puissance ! Rien que pour ça, la reformation valait le coup.
Revolution se veut plus actuel et moderniste et se révèle nettement moins original : j’ai l’impression d’avoir déjà entendu cette intro et ce refrain (1). Pas désagréable mais particulièrement bateau ! Et si peu révolutionnaire (Rob prend même des intonations à la Robert Plant !) !
Suit Worth Fighting For et son riff qui me rappelle celui du In My Dreams de Dokken (album Under Lock And Key, 1986). Halford chante vraiment, comme il le faisait dans les années 70 ou sur Turbo (oui, je pense à un bonus de cet album si décrié en son temps et auquel le temps a rendu justice. D’ailleurs, peut-être s’agit-il vraiment d’une chute de Turbo qu’ils n’ont pas pu ou voulu caser parmi les bonus tracks des remasters ?) Le groupe se la joue hard pop (façon Private Property) et c’est rafraîchissant. Courageux, aussi. J’apprécie vraiment la démarche de ces légendes vivantes qui ont retrouvé le goût du risque et de la variété (au bon sens du terme).
Demonizer se veut plus méchant. L’intro est inquiétante. Les paroles contiennent maintes références au glorieux passé du groupe, entre le « Hellion » et le « Painkiller », le « scream » et la « vengeance », plus une touche d’ « evil ». Ce n’est pas la compo la plus convaincante (2), avec son côté quelque peu « forcé »… Mais ça s’écoute sans problème… On peut même prendre un certain plaisir à écouter Rob crier « Demonizer » à la fin.
La deuxième partie de l’album débute par l’entraînant Wheels Of Fire. Pas un chef-d’œuvre d’originalité (rien que les paroles et ce téléphoné « Ride to live Live to ride » !) mais une chanson sympa reposant sur un bon riff.
Angel continue le jeu des références (cette fois, ce serait Sad Wings… et Sin…). Cette ballade semble tout droit sortie du remarquable Sad Wings Of Destiny. Les premières écoutes ne sont pas renversantes mais ce titre se révèle sur la longueur et s’avère finalement très bon. Bien meilleur que ce Hellrider qui semble être le titre fétiche des Painkillermaniacs ! On a effectivement l’impression d’écouter une chute de Painkiller, mais avec infiniment moins de hargne et un chant moins aigu. Les paroles sont à nouveau pleines de références au passé (c’était déjà le cas sur Demonizer qui me semblait moins convaincant que le reste. Rebelote !) Les « Gods of steel » sont-ils censés nous rappeler les « Metal Gods » d’antan ? Et on retrouve un autre clin d’œil à Sad Wings (Tyrant). Plus le titre de l’album de 88 (Ram It Down). Quant au refrain, il me fait penser à celui de Nightcrawler.
Eulogy fait référence à une certaine « sentinel » mais on est loin de Defenders Of The Faith. La magie des intermèdes calmes de Sad Wings… est de retour. Des écoutes successives et répétées révélent une réelle beauté. Des arrangements sobres et minimalistes créent une ambiance spleenétique et magique… Tout cela annonce le mastodonte Lochness, monstre de près d’un quart d’heure où le Priest se la joue Black Sabbath. C’est à la fois prenant et risqué. Excellente façon de conclure ce très bon album de reformation.
Judas a ainsi gagné son pari. Angel Of Retribution est intéressant, varié, et même enthousiasmant par moments. Ces mecs ont retrouvé et le goût de l’expérimentation et leur personnalité. Ils ne se sentent plus obligés d’incarner l’idée que se font certains fans du heavy metal (comme à l’époque de Ram It Down). Ils préfèrent être eux-mêmes et se faire plaisir. Et c’est justement lorsqu’ils oublient ces sages résolutions et laissent les vieux clichés reprendre le dessus qu’ils déçoivent relativement (Demonizer et Hellrider).
Tout cela me donne envie d’aller les écouter « live » et me fait regretter encore plus amèrement l’annulation du concert grenoblois de 2004 !
(1) : En effet, la mélodie des couplets (« If you think it’s over better think again” et “If you think I’d back down or accept defeat”) est similaire à celle du Tomorrow d’Ozzy Osbourne (album Ozzmosis, 1995): cf.le début de la chanson (le passage “Have you read the message, the writing on the wall” ).
(2) Tout comme pour Revolution, j’avais une désagréable impression de « déjà-entendu » et je ne parvenais pas à établir de lien avec une composition connue. Soudain, ça a fait tilt dans mon esprit… Je trouve une certaine similitude entre la mélodie de Demonizer et le Nobody’s Fault d’Aerosmith (sur Rocks). Comparez les couplets (en particulier, le « Born of the sun Crashed to the earth Tormented reviled Engorged hate from birth” de Demonizer au “Lord I must be dreamin’ What else could this be Everybody’s screamin Runnin’ for the sea” de Nobody’s Fault).
