Certains albums sont maudits ! Ils traînent une réputation exécrable et il ne fait franchement pas bon les apprécier, sous peine de perdre toute crédibilité. Born Again de Black Sabbath, Fly On The Wall d’AC/DC, The X Factor de Maiden, j’en ai une pleine liste...
Animalize est un peu l’archétype de ce genre de rejet irrationnel. Il symbolise parfaitement le Kiss des années 80 qu’il est de bon ton de détester et mépriser gaillardement. Unmasked et The Elder (respectivement parus en 80 et 81) ont été enregistrés alors que Frehley faisait encore partie du groupe. Ils ont un côté kitsch et seventies (le groupe n'étant pas encore pleinement entré dans la nouvelle décennie) qui leur permet d’avoir quelques défenseurs. Creatures Of The Night est unanimement considéré (à juste titre) comme un classique intouchable. Le fait qu’il ne se soit pas bien vendu à sa sortie en 82 lui permet même d’accéder au statut d’œuvre culte ! Lick It Up, réalisé par la même équipe que le précédent, sans compositeurs extérieurs, est assez estimé (et puis, c’était la première fois qu’ils apparaissaient sans leur légendaire maquillage). Asylum ? On parle rarement de celui-là, que ce soit en bien ou en mal. Crazy Nights et Hot In The Shade sont parus à une autre époque (87 et 89). Au milieu des années 80, c’était bel et bien Animalize qui symbolisait le groupe, surtout depuis qu’il avait changé de look.
A l’époque, les critiques n’avaient pas été tendres. Le préposé au heavy metal de Rock’n’Folk l’avait descendu en quelques lignes lapidaires et même Hervé Picart de Best, pourtant Kissophile sincère, avait fait part de sa déception, moyennant moult précautions oratoires. Et c’est là que je me dis que j’ai un problème : ça fait plus de 20 ans que j’écoute ce disque et je dois avouer l’apprécier énormément. Ai-je si mauvais goût que ça ? Ce n’est pas Gene Simmons qui va me rassurer : au début des années 90, il n’était pas le dernier à cracher sur cette période du groupe. Mais il est vrai qu’à cette époque, il était bien vu, quand on avait appartenu au mouvement dit « hair metal », de s’autoflageller en public (rappelez-vous de Mötley en 94) et de renier les joyeuses années 80. D’autant plus qu’en 1992, Kiss venait d'enregistrer l'excellent Revenge et voulait passer pour un groupe de metal sombre et menaçant (c’était juste avant sa conversion au grunge !).
Ces derniers temps, j’ai réalisé non sans stupéfaction que je n’étais pas le seul à apprécier Animalize ! Dans une interview, un membre du groupe suédois Paradice déclarait aimer ce disque. Je suis alors allé consulter l’excellent site Amazon.com qui contient souvent de pertinentes chroniques de fans. Là, certains vont même jusqu’à le sacrer « meilleur album kissien des années 80 » !!! En surfant sur le net, je suis aussi tombé sur le blog d’un gars qui déclare qu’il s’agit de son album préféré de tous les temps !!!! Cela m’a réchauffé le cœur et, soudain, je me suis senti moins seul et incompris. J’ai aussi été amené à réfléchir aux raisons qui me font adorer (contre vents et marées) ce Kiss. Voici donc le résultat de mes cogitations…

Dans l’absolu, Creatures Of The Night est meilleur : plus lourd (fantastique son de batterie), plus sombre, bourré de classiques (le morceau-titre, I Love It Loud, etc.).
Lick It Up contient des compos plus personnelles et plus abouties (le son est plus clean, plus américain que le précédent).
Asylum est davantage orienté glam et a donné naissance à quelques clips bien délirants.
Alors pourquoi Animalize?
Les chansons sont-elles impérissables? Pas exactement. Le seul « classique » (et encore !) est le tube Heaven’s On Fire qui a permis à l’album de bien fonctionner commercialement (il me semble avoir vu quelque part qu’il s’agissait du plus gros succès de Kiss période années 80). Le reste est du heavy-rock typique de l’époque, bien carossé mais certainement pas inoubliable dans l’absolu.
La qualité et la profondeur des paroles expliqueraient-elles cette cote d’amour élevée? Si je prends les mots-clés des titres, j’obtiens ceci: burn fire bitch high-heels thrills hunter gun murder heaven. Il y est donc question de feu, de frissons, de meurtres, de flingues et de salopes. Comme c'est original! Avec une telle thématique, ils auraient très bien pu baptiser leur bébé Smell The Glove et engager Marty Di Bergi pour tourner les clips...
I’ve Had Enough (Into The Fire) et Get All You Can Take (au riff syncopé et aux choeurs bien ficelés, à la manière de ceux de All Hell's Breakin'Loose) prônent l’individualisme et une certaine forme de révolte vis-à-vis de tous ceux qui représentent la société dans ce qu’elle a de mesquin et d’étriqué. Mais on peut aussi trouver de telles paroles somme toute assez téléphonées et prévisibles, surtout lorsque Paul Stanley (de surcroît flanqué de Desmond Child) est dans les parages.
D’autres chansons sont dépourvues de toute ambition. Elles traitent du sujet favori du groupe : le sexe. Heaven’s on fire est emblématique de cela. Le “wouououh” introductif de Stanley, suivi d’un gros son de guitare annonce la couleur... L’ensemble est très rythmé avec la batterie de Carr bien en avant et ce refrain imparable et mécanique caractéristique de Desmond Child. L’un des titres les plus chauds et sensuels de Kiss. « Baby don’t stop take it to the top
Eat it like a piece of cake” chante Paul. L’excellent Thrills In The Night, co-écrit par Jean Beauvoir, auteur de l’imparable tube Feel The Heat, autre incontournable des années 80 (sur la B.O. de Cobra ) nous narre la double vie d’une femme, apparemment rangée durant la journée, et sortant la nuit dans le but d’assouvir ses fantasmes. « In the evening when she takes to the street she goes hunting with a body in heat.” Formellement parlant, il s’agit d’une power ballad remarquablement bien envoyée.
L’album serait sans doute moins intéressant sans le spinaltapesque Burn Bitch Burn de Gene. Les paroles sont directes et « profondes », enfin dans une certaine mesure : « Ooh baby, wanna put my log in your fireplace » !!! Splendide métaphore, n’est-ce pas? "Explicit lyrics", comme on disait alors. On pourrait aussi insister sur ce refrain particulièrement crétin: "Burn bitch burn, ouh ouh ouh" que je me prends parfois à fredonner sous la douche. Lonely Is The Hunter est connu pour son subtil "Girls love money like bees to honey". Cette chanson, parfois peu appréciée, repose pourtant sur un bon riff, accrocheur et évident, auquel se superposent des parties de guitare jouées par Bruce Kulick. Et le refrain est encore une fois chantant et bien envoyé. Murder In High-Heels continue dans la poésie: “She’s a vision in leather like salt on a wound”. En comparaison, While The City Sleeps passerait presque pour une chanson intello avec ses « They love you while you’re hot and leave you when you’re cold”. Bon... cessons de tergiverser. Il ne s’agit pas d’un album de Dylan… Pour la philosophie, on est prié d’aller voir ailleurs.
Alors ? Pourquoi ce disque ? Pourquoi celui-ci et pas un autre ? La réponse tient en un mot : Norton ! Ou en deux mots : St. John ! Mark St John ! Mark Norton dit St. John! Le remplaçant de Vinnie Vincent supposé irremplaçable! Mark St. John et ses solos hystériques, ratiboisants et intenses. Mark St. John et son jeu certes moins torturé que celui de Vinnie Vincent... mais empreint en même temps d'urgence et de mélodie...
Ce sont ses parties de guitare filante qui transcendent la plupart des titres d'Animalize, de I've Had Enough - qui ne serait autrement qu'un morceau de hard US de plus, avec son refrain radiophonique caractéristique- à ce Murder In High-Heels au riff accrocheur et décontracté (à cette époque, Gene composait souvent des chansons dans cet esprit, aux riffs mémorables comme ce Thief In The Night qu'il offrit à Wendy O. Williams en cette même année 84 et qui ressurgira sur Crazy Nights en 87), en passant par While The City Sleeps qui permet au bassiste et à sa voix rauque de nous décliner le vieux thème rock'n'roll de la nuit. En fait, dès les premières notes de I've Had Enough, on est captivé par la frénésie et l'urgence qui se dégagent de l'ensemble ainsi que par la production de Paul Stanley (Michael James Jackson n'est plus là, à part pour le son de batterie), nette, précise, dépouillée qui n'est pas pour rien dans cette impression, la virtuosité de Mark St. John faisant le reste. Sur le plan guitaristique, Lonely Is The Hunter fait figure d'accalmie: les solos sont moins speed mais c'est Bruce Kulick qui joue sur ce titre. Under The Gun est l'un des sommets d'Animalize, titre très rapide, littéralement transcendé par les parties de guitare hystériques et véloces de St. John. Un hymne à la vitesse percutant et entraînant.
En conclusion, on rappellera que St. John n'était pas uniquement un shredder stérile et vain, n'en déplaise à Gene Simmons qui comparait son jeu au bourdonnement d'une abeille et laissait entendre (cf. X-Treme Close Up) qu'il n'éprouverait aucune pitié pour la malheureuse bestiole si elle avait le malheur de passer à sa portée. Qui sait à quoi auraient ressemblé les albums suivants s'il était demeuré dans le groupe? ... Il a marqué de son empreinte cet Animalize sans avoir composé quoi que ce soit.
Victime du syndrôme de Reiter, St. John fut écarté du groupe et remplacé, d'abord provisoirement, puis définitivement par le diplomate (et sympathique) Bruce Kulick qui allait rester plus de dix ans dans le groupe...

Animalize demeure un parfait résumé de son époque, cette ère incertaine, crétino-pacmanesque, qui vit culminer un heavy-rock clichesque, superficiel et ridicule, mais fun et hédoniste.

Jamais écouté, je me suis arrêté à Creatures et j'ai repris sur Revenge, et pensant ne pas rater grand chose, j'ai sauté la période mid-80's.

Il est pas mal du tout cet album. De toutes façons, à part la période disco et Psycho Circus qui m'ennuie un peu, j'ai du mal à concevoir un album de Kiss pas terrible. Ils ont la recette pour faire prendre un pied terrible aux auditeurs...

Il est clair que Creatures... et Revenge sont excellents et bien meilleurs dans l'absolu que la période intermédiaire (qui correspond à "l'hibernation" de Gene Simmons, plus préoccupé par ses projets cinématographiques, entre autres).
Mais les albums sortis durant les années 83/89 sont loin d'être dépourvus d'intérêt, surtout pour les amateurs de hard US.

Le seul album de Kiss à m'avoir vraiment déçu, c'est justement Psycho Circus que je n'ai pas gardé (tout comme Carnival Of Souls, mais celui-là, je ne le considère pas comme un album véritablement "achevé").

Bizarrement, je l'aime bien Carnival of souls.
Y'a parfois de très bonnes mélodies, et les riffs sont plutôt heavy, ça le fait bien. Après, je comprends que la maison de disque ait refusé de le sortir, il ne sonne pas "party" comme les autres

Il y a en effet parfois de bonnes mélodies. Les riffs sont certes lourds mais cela n'est pas forcément un critère de qualité. Surtout, je m'attendais trop à une sorte de Revenge-bis pour ne pas être déçu (j'avais vraiment apprécié Revenge en 92). D'autre part, cet album est sorti à une époque où je n'écoutais quasiment plus de metal (j'étais dans ma période musique classique!).

En outre, Creatures... et Revenge ne sonnent pas vraiment "party" et je les adore.

Je devrais peut-être lui redonner sa chance à ce disque...

Ah oui tiens, Carnival Of Souls doit être le seul du groupe que je ne connais pas. Faudrait que j'assaie de l'écouter un de ces 4.

le 2eme album du groupe que j'ai écouté, le 1er êtant "destroyer" imaginez un peu la surprise, au final je me le remets de tems en temps et je ne le deteste pas, sans etre mon préféré, "heaven's on fire" et "under the gun" ça le fait tout de même!!!