
ALICE COOPER: Zipper Catches Skin
C’est en 1982 que parut le plus obscur des albums de la période dite « expérimentale » du Coop. Ses deux précédentes tentatives, Flush The Whisky et Special Vintage avaient été des flops retentissants.
A cette époque, Alice n’intéressait plus personne et semblait totalement incapable de séduire les nouvelles générations qui ne juraient que par Maiden, Priest, AC DC et autres Scorpions. D’ailleurs, cette fois, il ne chercha même pas à s’adapter aux nouvelles tendances musicales, qu’il s’agisse de la New Wave tout court ou de la N.W.O.B.H.M.
Il suffit de mater la photo du verso pour comprendre ce qu’était devenu Alice Cooper en 1982. Zipper Catches Skin (traduction pour les infortunés qui ne maîtrisent pas les subtilités de la langue de Truman Capote : les fermetures éclair attrapent des poils…pubiens) est une vaste pantalonnade que l’on trouvera soit réjouissante, soit consternante, selon l’humeur. Le second degré est ici obligatoire. Seul un solide sens de l’humour peut vous permettre d’apprécier pleinement cette chose.
C’est du Ed Wood mis en musique ! On retrouve ici les idées et les délires de Vincent Furnier mais dépourvus de l’enrobage ezrinien. Les fantasmes sont là mais sans la superproduction d’antan. On fait avec les moyens du bord et ils ne sont pas considérables. Imagination et bouts de ficelles. On est loin des horreurs d’Eddie !
Formellement parlant, Zipper… marque le retour à un rock plus rentre-dedans, très seventies. Façon policée de dire que la musique ici proposée a le cul entre deux chaises : trop datée pour les jeunes fans de hard, trop bruyante paradoxalement pour la ménagère fan de Supertramp ! L’auditeur doit de plus supporter le côté totalement déjanté des chansons. Cooper s’autocaricature, prend une grosse voix imbécile et semble bien s’amuser. Voici le plus délirant et le plus sarcastique des albums du coolest guy in the world.
Une fois cela intégré, l’auditeur prévenu peut cependant prendre un certain plaisir (coupable !) à écouter cette collection de chansons aux refrains totalement crétins ( Zorro’s Ascent par exemple). Lorsque j’entends ce titre, je crois revoir le sergent Garcia de la série culte de mon enfance. Pas grave si la plupart des titres sont basés sur un riff de guitare similaire. No Baloney Homosapiens est proprement jubilatoire. Notre obstiné chanteur réussira finalement à rentabiliser ledit riff un septennat plus tard en le refourguant à Desmond Child qui le mettra en valeur dans le fameux tube Poison (album Trash, 1989).
Scrooge’s Song est un morceau rescapé d’un concept-album sur lequel Alice travaillait à la fin des années 70 et auquel nous avons échappé (Pounds and whiskey ?) : c’est le titre le plus hard (au sens que ce terme avait en 1975). Celui-ci se termine en apothéose dans un déluge de guitares hystériques. Et que dire de I Better Be Good, de ses paroles envoyées d’une voix extraordinairement stupide et de ses guitares à la Merde In France de Dutronc ? Adaptable (Anything For You) est excellent: riff entraînant, refrain particulièrement crétin, il est assez proche du Serious de From The Inside. La conclusion du disque est aussi un moment d’anthologie dans le genre franche rigolade (ou consternation selon l’humeur) : I’m Alive (That was the day my dead pet returned to save my life). Quel titre !
« Je suis vivant ! C’est le jour qui vit mon animal de compagnie mort revenir pour me sauver la vie. » (traduction façon Google pour nos amis peu portés sur la langue anglaise)
Entendre Alice beugler « I’m alive ! », avec les chœurs qui reprennent victorieusement « He’s alive ! » fait de cette chanson un autre moment d’anthologie !
Les deux compositions les plus marquantes restent cependant les collaborations avec des musiciens ou compositeurs extérieurs : l’humoristique et irrésistible I Like Girls, duo rigolo avec Patty Donahue des Waitresses, sympathique groupe du début des années 80, qui aurait mérité d’être un gros tube. J’adore ! Tout comme I Am The Future, chanson coécrite par Lalo Schifrin (l’homme du générique de Mission Impossible), figurant au programme du film Class Of 84 (la version du film, légèrement différente apparaît sur le coffret Lifes And Crimes…), et titre le plus cooperien et le mieux produit du disque. « Regarde-moi dans les yeux, je suis le Futur, et tu m’appartiens ! »
Au final, cette œuvre sortit dans l’indifférence générale et passa complètement inaperçue (il n’y eut d’ailleurs pas de tournée pour la soutenir).
Qui aurait cru, à cette époque, qu’Alice Cooper, tel le Jason de Vendredi 13, réussirait à remonter cyniquement la pente dans la seconde moitié des eighties?
